Télévision : 17 octobre 2022 à 22:50-00:40 sur Arte
film policier
Sous un torrent de pluie, Zhou, un chef de gang chinois en fuite, rencontre Aiai Liu, une prostituée aux cheveux courts qui vient le voir à la demande de son épouse. Lors d'un rassemblement de gangsters qui a dégénéré en fusillade, il a tué un policier. Sa tête est maintenant mise à prix. Les forces de l'ordre comme les malfrats le poursuivent pour l'arrêter. La récompense est tellement élevée qu'il envisage lui-même de se rendre, avec la complicité d'Aiai. Dans leur plan, cette dernière le dénonce à la police, touche la récompense, qu'elle reverse en partie à l'épouse de Zhou et s'en sert également pour changer de vie... - Critique : Black Coal, le précédent film de Diao Yinan, racontait une sombre enquête. L’obscurité, têtue, s’impose à nouveau dans celui-ci, aux trois quarts plongé dans un univers nocturne, pluvieux, poisseux. Sur un quai de gare, sous un déluge crépitant, un homme amoché reste caché derrière un pilier. Une femme aux cheveux courts s’approche, lui demande du feu. Elle lui annonce qu’elle vient à la place de sa compagne. Lui se méfie. Après plusieurs flash-back, on en sait davantage : l’homme est un chef de gang traqué à la fois par une bande rivale et par la police. Elle est une prostituée (de celles que l’on surnomme, curieusement, « baigneuses »), prête à tout pour échapper à son triste sort… Il faut parfois s’accrocher car l’intrigue est tortueuse. On traverse un pays envahi de poubelles, gangrené par le mal, le vice et le pouvoir. On sillonne des bas-fonds dédaléens et un zoo, on dérive sur l’eau. Le Lac aux oies sauvages est une vaste partie de cache-cache mortel, portée par une mise en scène virtuose. Le cinéaste synchronise des ballets, des mouvements de caméra opératiques, des jeux de couleurs, d’ombres et de lumières expressionnistes. On devine un hommage aux maîtres américains (Orson Welles), mais qui s’inscrit dans la lignée du meilleur cinéma asiatique, de Tsui Hark à Johnnie To.
Année : 2019
De : Yi'nan Diao
Avec : Dao Qi, Fan Liao, Ge Hu, Jue Huang, Lun Mei Kwei, Meihuizi Zeng, Regina Wan, Yongzhong Chen, Zhang Yicong
Télévision : 23 mai 2022 à 22:30-00:40 sur Arte
film : drame
En 2001, à Datong, Quiao, une fille de mineur, vit une histoire d'amour avec Bin, un petit chef de la pègre locale. Un jour, la jeune femme s'empare de l'arme de son compagnon et en use pour le défendre. Elle passe cinq ans derrière les barreaux. Quand elle sort enfin, elle tente de reprendre sa relation avec Bin, mais celui-ci se dérobe. Reconverti dans l'industrie et accompagné d'une nouvelle fiancée, il rechigne à lui témoigner de la reconnaissance et encore moins de l'amour. Quelques années plus tard, Bin, devenu paralytique, voit ses affaires péricliter. Il renoue avec Qiao, qui a repris et poursuivi avec succès l'entreprise mafieuse de leurs débuts... - Critique : « Bientôt, tout ceci ne sera que ruines sous l’eau », dit un guide touristique à propos d’un village, sur le futur site du barrage des Trois-Gorges, au cœur de la Chine. Nous sommes alors en 2006, au milieu du film, et la formule claque d’autant plus qu’elle exprime parfaitement le vertige procuré par Les Eternels. Tout — les liens comme les lieux — y semble voué à une violente transformation, sinon à une destruction sans appel. Avec Au-delà des montagnes (2015), Jia Zhang-ke avait trouvé ses marques dans la fresque romanesque, courant sur une vingtaine d’années, embrassant à la fois le destin de quelques personnages et celui de la Chine contemporaine. Il raffine encore son art dans ce film noir, qui commence en 2001, avec l’idylle de Qiao, fille de mineur, et d’un petit chef de la pègre locale. C’est le temps de l’ouverture à l’Ouest, des discothèques improvisées, du reflux de l’activité minière et de toutes les traditions héritées de l’ère maoïste. Le premier chapitre de cette histoire s’arrête net quand la jeune fille, amoureuse et exaltée par ses nouvelles fréquentations, doit s’emparer elle-même de l’arme de son amant et en user pour le défendre. S’ensuivent cinq années de prison pour elle, englouties dans une ellipse. Les admirateurs du cinéaste (près de trois cent mille spectateurs français pour son précédent film) peuvent reconnaître au passage des bribes de Plaisirs inconnus (2002) ou de Still Life (2006), entre autres. Depuis la fin des années 1990, Jia Zhang-ke chronique les mutations de la Chine en temps réel. Il est ainsi devenu le témoin majeur d’un changement de civilisation, inscrivant ses protagonistes dans des décors en chantier perpétuel, de plus en plus surdimensionnés. Pour lui, se retourner, avec ce nouvel opus, sur les deux dernières décennies de son pays consiste aussi à revisiter sa propre filmographie, grâce notamment à des images non utilisées en leur temps. Mais ignorer ces autocitations n’enlève rien à l’extraordinaire force des Eternels. Quand les deux amants se retrouvent après la longue parenthèse carcérale, ils sont encore jeunes, irrévocablement marqués l’un par l’autre. Pourtant on ne les verra plus jamais s’étreindre. Qiao a parcouru des milliers de kilomètres pour retrouver son homme et le découvrir changé, profondément infidèle, à la fois à la pègre (au profit du capitalisme sauvage et légal, quelle ironie !) et à leur amour, alors qu’elle s’est sacrifiée pour lui. Un face-à-face dans une chambre aux lumières jaunes comme l’amertume donne à cette trahison une résonance inoubliable. Le film raconte alors un transfert de pouvoirs et de personnalité — avec, incidemment, un humour sec, cinglant. Qiao devient, en quelque sorte, celui qu’elle avait choisi. Brisée, agressée, mais violente s’il le faut, elle endosse la droiture de la pègre à l’ancienne et reprend le chemin de sa région natale pour y régner en patronne. Zhao Tao, épouse et muse de Jia Zhang-ke — huitième collaboration depuis Platform, en 2000 —, presque tout le temps à l’image, crée là une héroïne grandiose par sa fidélité et son endurance. Avant le dernier et implacable chapitre (contemporain) de cette épopée, façon « ni avec toi ni sans toi », un moment d’anthologie montre la jeune femme entre deux trains à grande vitesse, tentée de suivre un voyageur inconnu. C’est un mythomane fragile, héraut et victime du nouveau capitalisme, qui lui ment, et à qui elle ment. Il y a alors comme un appel d’air, l’esquisse d’une échappée possible… Mais non : il faut affronter son destin, même si ce destin ressemble à un paysage après l’incendie. Car, comme le dit le magnifique titre original, la blancheur de la cendre est la plus pure.
Année : 2018
De : Zhangke Jia
Avec : Casper Liang, Fan Liao, Jiali Ding, Jiamei Feng, Li Xuan, Min Liu, Yi Zhang, Yi'nan Diao, Yibai Zhang, Zhao Tao, Zheng Xu, Zijian Dong