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Récemment en mars
 

La Bête

Télévision : 23 mars à 01:14-03:35 sur Canal +

film : drame

En 2044, alors que le monde est dominé par l'intelligence artificielle, Gabrielle fait face à un dilemme. Pour continuer à développer son potentiel, la jeune femme doit accepter de purifier son ADN en se débarrassant des émotions profondément ancrées dans son esprit, et désormais considérées comme une véritable menace. Pour atteindre cet objectif, Gabrielle effectue un voyage dans le temps afin de se replonger dans ses vies antérieures et y dénicher les éléments qui constituent un obstacle à son épanouissement. Elle retourne donc au début du XXe siècle pour y retrouver Louis, l'homme mystérieux qu'elle fréquentait à cette époque... - Critique : N’ayons pas peur de La Bête, œuvre non classifiée, comme il en va de certaines espèces. Il faut se faire attraper, accepter la morsure, laisser agir le venin. Et le film alien peut devenir un ami. Sous ses dehors de chimère, il parle de l’humain et de l’humanité, du risque de leur évaporation… Et puis c’est un film d’amour. Deux êtres aimantés l’un par l’autre s’y croisent et recroisent à différentes époques. 2044. Gabrielle (Léa Seydoux) vit dans un monde, le nôtre, qui a mal tourné, du moins de son point de vue de mortelle. L’intelligence artificielle a pris le pouvoir et réglé, à sa manière, tous les problèmes. Les individus de chair et de sang, devenus inutiles, presque surnuméraires, sont sommés, pour rester dans la course, de subir un traitement de « purification » psychique, destiné à abolir leurs affects. Lors de cette opération, ils revoient et revivent mentalement les moments de leur passé qui concentrent leurs émotions. Et Gabrielle a eu plusieurs existences… Voilà donc un cinéaste étiqueté art et essai, Bertrand Bonello, le réalisateur esthète de L’Apollonide et de Saint Laurent, qui effectue un spectaculaire double salto. À la fois, il nous plonge dans une science-fiction dystopique et nous invite à croire aux vies antérieures. Soit deux pistes fantastiques distinctes, mais qui se rejoindront. Car derrière son foisonnement baroque, le film raconte une seule histoire, simple et puissante, de sa première à sa dernière image. Cette histoire provient d’une célèbre nouvelle de l’écrivain américain Henry James, publiée en 1903, La Bête dans la jungle. Son personnage principal se caractérise par le pressentiment qu’une immense catastrophe l’attend, personnellement, tôt ou tard. Dans le film, Gabrielle s’en ouvre à un homme, Louis (George MacKay), dès le début du XXᵉ siècle. Comme chez Henry James, la confidence les rapproche, fait naître une attirance mutuelle entre eux. Mais la jeune femme est mariée, le grand amour en puissance risque de rester lettre morte. Rendez-vous dans une autre vie ? L’époque suivante dont Gabrielle se souvient est toute différente : en 2014, elle cherche à faire carrière à Hollywood. Gardant une villa pour gagner de l’argent, elle retrouve alors Louis sous les traits d’un psychopathe rôdant alentour, obsédé par sa virginité subie et le dégoût qu’il pense inspirer aux filles… Les vies successives de l’héroïne composent un triptyque fascinant, où les correspondances, les récurrences mais aussi les différences nourrissent le suspense et l’imagination. Quel est donc l’événement terrible redouté depuis toujours par Gabrielle ? Les deux personnages pourront-ils un jour partager davantage que cette prémonition ? Avec un scénario aussi sophistiqué, Bertrand Bonello peut sortir le grand jeu, explorer plusieurs genres cinématographiques en parallèle, du mélodrame au thriller. Ne plus rien ressentir, ne plus jamais aimer ? Le film en costumes de 1910 est ainsi une délicate évocation du Paris des salons cultivés. Les sentiments y sont exprimés, analysés, prisés. Le danger qui guette est la crue exceptionnelle de la Seine cette année-là, mais ce n’est pas exactement la catastrophe à laquelle Gabrielle se prépare… En 2014, à Los Angeles, on se croirait plutôt chez David Lynch, avec les mirages et la mainmise de l’industrie du spectacle sur les êtres, la paranoïa et la schizophrénie qui couvent. Le sexe est une obsession omniprésente, virant à la frustration dangereuse chez ceux qui en sont privés. Et un tremblement de terre menace, mais ce n’est toujours pas précisément la catastrophe qui fait cauchemarder Gabrielle. Quand aux scènes qui représentent 2044, elles arrivent à point nommé, avec leur calme glacé, pour alimenter la réflexion actuelle sur l’intelligence artificielle. Dans cette dystopie, la propension humaine à fabriquer des artefacts (comme les poupées en porcelaine, puis en bakélite, assemblées au XXᵉ siècle par le mari industriel de Gabrielle) s’est définitivement retournée contre nous. Le maillon faible devient le vivant lui-même, chez qui les désirs, les doutes et les peurs limitent l’efficacité. Se débarrasser de sa sensibilité semble donc une aubaine, voire une nécessité. Mais, là est le dilemme de l’héroïne, la perspective de ne plus souffrir est aussi celle de ne plus rien ressentir, de ne plus jamais aimer. La Bête est non seulement un film romanesque, mais aussi profondément romantique, hanté par la disparition des sentiments comme le fut, en son temps, L’Éclipse, d’Antonioni, sur fond de financiarisation du monde. Entre terreurs primitives et ténèbres technologiques, la lumière vient ici du personnage féminin, autant dire de Léa Seydoux, presque tout le temps à l’image. Qu’elle joue l’opacité dans la première époque, la vulnérabilité dans la deuxième, ou la subversion enfin, elle incarne l’unité de l’ensemble, endosse magnifiquement la cause défendue. En retour, La Bête offre à l’actrice de faire entendre sa voix comme peu de films auparavant. Jusqu’à faire entendre, littéralement, son cri. L’OMBRE DE GASPARD ULLIELÉlégant amoureux platonique au début du film, solitaire rongé par l’exclusion sexuelle ensuite, l’homme de La Bête s’inscrit dans une lignée de personnages masculins extrêmement singuliers qui peuplent l’univers de Bertrand Bonello. Ainsi Laurent Lucas dans Tiresia (2003), tortionnaire comme surgi d’un film de Robert Bresson, ou Finnegan Oldfield dans Nocturama (2016), idéaliste kamikaze préférant la mort à la société néolibérale. Le plus mémorable reste Gaspard Ulliel dans le costume d’un Saint Laurent (2014) insaisissable, étranger en son propre royaume. C’est à Ulliel, mort pendant la préparation du film, en janvier 2022, que La Bête était destiné — et, aujourd’hui dédié. En choisissant, pour le remplacer, l’Anglais George MacKay (révélé par 1917, de Sam Mendes), Bonello met en lumière plusieurs visages d’un acteur insolite et captivant.

Année : 2023

Avec : Dasha Nekrasova, Elina Löwensohn, Felicien Pinot, George MacKay, Guslagie Malanga, Julia Faure, Kester Lovelace, Laurent Lacotte, Lukas Ionesco, Léa Seydoux, Marta Hoskins, Martin Scali

Récemment en mars
 

La Bête

Télévision : 23 mars à 01:13-03:34 sur Canal +

film : drame

En 2044, alors que le monde est dominé par l'intelligence artificielle, Gabrielle fait face à un dilemme. Pour continuer à développer son potentiel, la jeune femme doit accepter de purifier son ADN en se débarrassant des émotions profondément ancrées dans son esprit, et désormais considérées comme une véritable menace. Pour atteindre cet objectif, Gabrielle effectue un voyage dans le temps afin de se replonger dans ses vies antérieures et y dénicher les éléments qui constituent un obstacle à son épanouissement. Elle retourne donc au début du XXe siècle pour y retrouver Louis, l'homme mystérieux qu'elle fréquentait à cette époque... - Critique : N’ayons pas peur de La Bête, œuvre non classifiée, comme il en va de certaines espèces. Il faut se faire attraper, accepter la morsure, laisser agir le venin. Et le film alien peut devenir un ami. Sous ses dehors de chimère, il parle de l’humain et de l’humanité, du risque de leur évaporation… Et puis c’est un film d’amour. Deux êtres aimantés l’un par l’autre s’y croisent et recroisent à différentes époques. 2044. Gabrielle (Léa Seydoux) vit dans un monde, le nôtre, qui a mal tourné, du moins de son point de vue de mortelle. L’intelligence artificielle a pris le pouvoir et réglé, à sa manière, tous les problèmes. Les individus de chair et de sang, devenus inutiles, presque surnuméraires, sont sommés, pour rester dans la course, de subir un traitement de « purification » psychique, destiné à abolir leurs affects. Lors de cette opération, ils revoient et revivent mentalement les moments de leur passé qui concentrent leurs émotions. Et Gabrielle a eu plusieurs existences… Voilà donc un cinéaste étiqueté art et essai, Bertrand Bonello, le réalisateur esthète de L’Apollonide et de Saint Laurent, qui effectue un spectaculaire double salto. À la fois, il nous plonge dans une science-fiction dystopique et nous invite à croire aux vies antérieures. Soit deux pistes fantastiques distinctes, mais qui se rejoindront. Car derrière son foisonnement baroque, le film raconte une seule histoire, simple et puissante, de sa première à sa dernière image. Cette histoire provient d’une célèbre nouvelle de l’écrivain américain Henry James, publiée en 1903, La Bête dans la jungle. Son personnage principal se caractérise par le pressentiment qu’une immense catastrophe l’attend, personnellement, tôt ou tard. Dans le film, Gabrielle s’en ouvre à un homme, Louis (George MacKay), dès le début du XXᵉ siècle. Comme chez Henry James, la confidence les rapproche, fait naître une attirance mutuelle entre eux. Mais la jeune femme est mariée, le grand amour en puissance risque de rester lettre morte. Rendez-vous dans une autre vie ? L’époque suivante dont Gabrielle se souvient est toute différente : en 2014, elle cherche à faire carrière à Hollywood. Gardant une villa pour gagner de l’argent, elle retrouve alors Louis sous les traits d’un psychopathe rôdant alentour, obsédé par sa virginité subie et le dégoût qu’il pense inspirer aux filles… Les vies successives de l’héroïne composent un triptyque fascinant, où les correspondances, les récurrences mais aussi les différences nourrissent le suspense et l’imagination. Quel est donc l’événement terrible redouté depuis toujours par Gabrielle ? Les deux personnages pourront-ils un jour partager davantage que cette prémonition ? Avec un scénario aussi sophistiqué, Bertrand Bonello peut sortir le grand jeu, explorer plusieurs genres cinématographiques en parallèle, du mélodrame au thriller. Ne plus rien ressentir, ne plus jamais aimer ? Le film en costumes de 1910 est ainsi une délicate évocation du Paris des salons cultivés. Les sentiments y sont exprimés, analysés, prisés. Le danger qui guette est la crue exceptionnelle de la Seine cette année-là, mais ce n’est pas exactement la catastrophe à laquelle Gabrielle se prépare… En 2014, à Los Angeles, on se croirait plutôt chez David Lynch, avec les mirages et la mainmise de l’industrie du spectacle sur les êtres, la paranoïa et la schizophrénie qui couvent. Le sexe est une obsession omniprésente, virant à la frustration dangereuse chez ceux qui en sont privés. Et un tremblement de terre menace, mais ce n’est toujours pas précisément la catastrophe qui fait cauchemarder Gabrielle. Quand aux scènes qui représentent 2044, elles arrivent à point nommé, avec leur calme glacé, pour alimenter la réflexion actuelle sur l’intelligence artificielle. Dans cette dystopie, la propension humaine à fabriquer des artefacts (comme les poupées en porcelaine, puis en bakélite, assemblées au XXᵉ siècle par le mari industriel de Gabrielle) s’est définitivement retournée contre nous. Le maillon faible devient le vivant lui-même, chez qui les désirs, les doutes et les peurs limitent l’efficacité. Se débarrasser de sa sensibilité semble donc une aubaine, voire une nécessité. Mais, là est le dilemme de l’héroïne, la perspective de ne plus souffrir est aussi celle de ne plus rien ressentir, de ne plus jamais aimer. La Bête est non seulement un film romanesque, mais aussi profondément romantique, hanté par la disparition des sentiments comme le fut, en son temps, L’Éclipse, d’Antonioni, sur fond de financiarisation du monde. Entre terreurs primitives et ténèbres technologiques, la lumière vient ici du personnage féminin, autant dire de Léa Seydoux, presque tout le temps à l’image. Qu’elle joue l’opacité dans la première époque, la vulnérabilité dans la deuxième, ou la subversion enfin, elle incarne l’unité de l’ensemble, endosse magnifiquement la cause défendue. En retour, La Bête offre à l’actrice de faire entendre sa voix comme peu de films auparavant. Jusqu’à faire entendre, littéralement, son cri. L’OMBRE DE GASPARD ULLIELÉlégant amoureux platonique au début du film, solitaire rongé par l’exclusion sexuelle ensuite, l’homme de La Bête s’inscrit dans une lignée de personnages masculins extrêmement singuliers qui peuplent l’univers de Bertrand Bonello. Ainsi Laurent Lucas dans Tiresia (2003), tortionnaire comme surgi d’un film de Robert Bresson, ou Finnegan Oldfield dans Nocturama (2016), idéaliste kamikaze préférant la mort à la société néolibérale. Le plus mémorable reste Gaspard Ulliel dans le costume d’un Saint Laurent (2014) insaisissable, étranger en son propre royaume. C’est à Ulliel, mort pendant la préparation du film, en janvier 2022, que La Bête était destiné — et, aujourd’hui dédié. En choisissant, pour le remplacer, l’Anglais George MacKay (révélé par 1917, de Sam Mendes), Bonello met en lumière plusieurs visages d’un acteur insolite et captivant.

Année : 2023

Avec : Dasha Nekrasova, Elina Löwensohn, Felicien Pinot, George MacKay, Guslagie Malanga, Julia Faure, Kester Lovelace, Laurent Lacotte, Lukas Ionesco, Léa Seydoux, Marta Hoskins, Martin Scali

Récemment en février
 

La Bête

Télévision : 28 février à 01:03-03:25 sur Canal +

film : drame

En 2044, alors que le monde est dominé par l'intelligence artificielle, Gabrielle fait face à un dilemme. Pour continuer à développer son potentiel, la jeune femme doit accepter de purifier son ADN en se débarrassant des émotions profondément ancrées dans son esprit, et désormais considérées comme une véritable menace. Pour atteindre cet objectif, Gabrielle effectue un voyage dans le temps afin de se replonger dans ses vies antérieures et y dénicher les éléments qui constituent un obstacle à son épanouissement. Elle retourne donc au début du XXe siècle pour y retrouver Louis, l'homme mystérieux qu'elle fréquentait à cette époque... - Critique : N’ayons pas peur de La Bête, œuvre non classifiée, comme il en va de certaines espèces. Il faut se faire attraper, accepter la morsure, laisser agir le venin. Et le film alien peut devenir un ami. Sous ses dehors de chimère, il parle de l’humain et de l’humanité, du risque de leur évaporation… Et puis c’est un film d’amour. Deux êtres aimantés l’un par l’autre s’y croisent et recroisent à différentes époques. 2044. Gabrielle (Léa Seydoux) vit dans un monde, le nôtre, qui a mal tourné, du moins de son point de vue de mortelle. L’intelligence artificielle a pris le pouvoir et réglé, à sa manière, tous les problèmes. Les individus de chair et de sang, devenus inutiles, presque surnuméraires, sont sommés, pour rester dans la course, de subir un traitement de « purification » psychique, destiné à abolir leurs affects. Lors de cette opération, ils revoient et revivent mentalement les moments de leur passé qui concentrent leurs émotions. Et Gabrielle a eu plusieurs existences… Voilà donc un cinéaste étiqueté art et essai, Bertrand Bonello, le réalisateur esthète de L’Apollonide et de Saint Laurent, qui effectue un spectaculaire double salto. À la fois, il nous plonge dans une science-fiction dystopique et nous invite à croire aux vies antérieures. Soit deux pistes fantastiques distinctes, mais qui se rejoindront. Car derrière son foisonnement baroque, le film raconte une seule histoire, simple et puissante, de sa première à sa dernière image. Cette histoire provient d’une célèbre nouvelle de l’écrivain américain Henry James, publiée en 1903, La Bête dans la jungle. Son personnage principal se caractérise par le pressentiment qu’une immense catastrophe l’attend, personnellement, tôt ou tard. Dans le film, Gabrielle s’en ouvre à un homme, Louis (George MacKay), dès le début du XXᵉ siècle. Comme chez Henry James, la confidence les rapproche, fait naître une attirance mutuelle entre eux. Mais la jeune femme est mariée, le grand amour en puissance risque de rester lettre morte. Rendez-vous dans une autre vie ? L’époque suivante dont Gabrielle se souvient est toute différente : en 2014, elle cherche à faire carrière à Hollywood. Gardant une villa pour gagner de l’argent, elle retrouve alors Louis sous les traits d’un psychopathe rôdant alentour, obsédé par sa virginité subie et le dégoût qu’il pense inspirer aux filles… Les vies successives de l’héroïne composent un triptyque fascinant, où les correspondances, les récurrences mais aussi les différences nourrissent le suspense et l’imagination. Quel est donc l’événement terrible redouté depuis toujours par Gabrielle ? Les deux personnages pourront-ils un jour partager davantage que cette prémonition ? Avec un scénario aussi sophistiqué, Bertrand Bonello peut sortir le grand jeu, explorer plusieurs genres cinématographiques en parallèle, du mélodrame au thriller. Ne plus rien ressentir, ne plus jamais aimer ? Le film en costumes de 1910 est ainsi une délicate évocation du Paris des salons cultivés. Les sentiments y sont exprimés, analysés, prisés. Le danger qui guette est la crue exceptionnelle de la Seine cette année-là, mais ce n’est pas exactement la catastrophe à laquelle Gabrielle se prépare… En 2014, à Los Angeles, on se croirait plutôt chez David Lynch, avec les mirages et la mainmise de l’industrie du spectacle sur les êtres, la paranoïa et la schizophrénie qui couvent. Le sexe est une obsession omniprésente, virant à la frustration dangereuse chez ceux qui en sont privés. Et un tremblement de terre menace, mais ce n’est toujours pas précisément la catastrophe qui fait cauchemarder Gabrielle. Quand aux scènes qui représentent 2044, elles arrivent à point nommé, avec leur calme glacé, pour alimenter la réflexion actuelle sur l’intelligence artificielle. Dans cette dystopie, la propension humaine à fabriquer des artefacts (comme les poupées en porcelaine, puis en bakélite, assemblées au XXᵉ siècle par le mari industriel de Gabrielle) s’est définitivement retournée contre nous. Le maillon faible devient le vivant lui-même, chez qui les désirs, les doutes et les peurs limitent l’efficacité. Se débarrasser de sa sensibilité semble donc une aubaine, voire une nécessité. Mais, là est le dilemme de l’héroïne, la perspective de ne plus souffrir est aussi celle de ne plus rien ressentir, de ne plus jamais aimer. La Bête est non seulement un film romanesque, mais aussi profondément romantique, hanté par la disparition des sentiments comme le fut, en son temps, L’Éclipse, d’Antonioni, sur fond de financiarisation du monde. Entre terreurs primitives et ténèbres technologiques, la lumière vient ici du personnage féminin, autant dire de Léa Seydoux, presque tout le temps à l’image. Qu’elle joue l’opacité dans la première époque, la vulnérabilité dans la deuxième, ou la subversion enfin, elle incarne l’unité de l’ensemble, endosse magnifiquement la cause défendue. En retour, La Bête offre à l’actrice de faire entendre sa voix comme peu de films auparavant. Jusqu’à faire entendre, littéralement, son cri. L’OMBRE DE GASPARD ULLIELÉlégant amoureux platonique au début du film, solitaire rongé par l’exclusion sexuelle ensuite, l’homme de La Bête s’inscrit dans une lignée de personnages masculins extrêmement singuliers qui peuplent l’univers de Bertrand Bonello. Ainsi Laurent Lucas dans Tiresia (2003), tortionnaire comme surgi d’un film de Robert Bresson, ou Finnegan Oldfield dans Nocturama (2016), idéaliste kamikaze préférant la mort à la société néolibérale. Le plus mémorable reste Gaspard Ulliel dans le costume d’un Saint Laurent (2014) insaisissable, étranger en son propre royaume. C’est à Ulliel, mort pendant la préparation du film, en janvier 2022, que La Bête était destiné — et, aujourd’hui dédié. En choisissant, pour le remplacer, l’Anglais George MacKay (révélé par 1917, de Sam Mendes), Bonello met en lumière plusieurs visages d’un acteur insolite et captivant.

Année : 2023

Avec : Dasha Nekrasova, Elina Löwensohn, Felicien Pinot, George MacKay, Guslagie Malanga, Julia Faure, Kester Lovelace, Laurent Lacotte, Lukas Ionesco, Léa Seydoux, Marta Hoskins, Martin Scali

Récemment en février
 

La Bête

Télévision : 28 février à 00:57-03:19 sur Canal +

film : drame

En 2044, alors que le monde est dominé par l'intelligence artificielle, Gabrielle fait face à un dilemme. Pour continuer à développer son potentiel, la jeune femme doit accepter de purifier son ADN en se débarrassant des émotions profondément ancrées dans son esprit, et désormais considérées comme une véritable menace. Pour atteindre cet objectif, Gabrielle effectue un voyage dans le temps afin de se replonger dans ses vies antérieures et y dénicher les éléments qui constituent un obstacle à son épanouissement. Elle retourne donc au début du XXe siècle pour y retrouver Louis, l'homme mystérieux qu'elle fréquentait à cette époque... - Critique : N’ayons pas peur de La Bête, œuvre non classifiée, comme il en va de certaines espèces. Il faut se faire attraper, accepter la morsure, laisser agir le venin. Et le film alien peut devenir un ami. Sous ses dehors de chimère, il parle de l’humain et de l’humanité, du risque de leur évaporation… Et puis c’est un film d’amour. Deux êtres aimantés l’un par l’autre s’y croisent et recroisent à différentes époques. 2044. Gabrielle (Léa Seydoux) vit dans un monde, le nôtre, qui a mal tourné, du moins de son point de vue de mortelle. L’intelligence artificielle a pris le pouvoir et réglé, à sa manière, tous les problèmes. Les individus de chair et de sang, devenus inutiles, presque surnuméraires, sont sommés, pour rester dans la course, de subir un traitement de « purification » psychique, destiné à abolir leurs affects. Lors de cette opération, ils revoient et revivent mentalement les moments de leur passé qui concentrent leurs émotions. Et Gabrielle a eu plusieurs existences… Voilà donc un cinéaste étiqueté art et essai, Bertrand Bonello, le réalisateur esthète de L’Apollonide et de Saint Laurent, qui effectue un spectaculaire double salto. À la fois, il nous plonge dans une science-fiction dystopique et nous invite à croire aux vies antérieures. Soit deux pistes fantastiques distinctes, mais qui se rejoindront. Car derrière son foisonnement baroque, le film raconte une seule histoire, simple et puissante, de sa première à sa dernière image. Cette histoire provient d’une célèbre nouvelle de l’écrivain américain Henry James, publiée en 1903, La Bête dans la jungle. Son personnage principal se caractérise par le pressentiment qu’une immense catastrophe l’attend, personnellement, tôt ou tard. Dans le film, Gabrielle s’en ouvre à un homme, Louis (George MacKay), dès le début du XXᵉ siècle. Comme chez Henry James, la confidence les rapproche, fait naître une attirance mutuelle entre eux. Mais la jeune femme est mariée, le grand amour en puissance risque de rester lettre morte. Rendez-vous dans une autre vie ? L’époque suivante dont Gabrielle se souvient est toute différente : en 2014, elle cherche à faire carrière à Hollywood. Gardant une villa pour gagner de l’argent, elle retrouve alors Louis sous les traits d’un psychopathe rôdant alentour, obsédé par sa virginité subie et le dégoût qu’il pense inspirer aux filles… Les vies successives de l’héroïne composent un triptyque fascinant, où les correspondances, les récurrences mais aussi les différences nourrissent le suspense et l’imagination. Quel est donc l’événement terrible redouté depuis toujours par Gabrielle ? Les deux personnages pourront-ils un jour partager davantage que cette prémonition ? Avec un scénario aussi sophistiqué, Bertrand Bonello peut sortir le grand jeu, explorer plusieurs genres cinématographiques en parallèle, du mélodrame au thriller. Ne plus rien ressentir, ne plus jamais aimer ? Le film en costumes de 1910 est ainsi une délicate évocation du Paris des salons cultivés. Les sentiments y sont exprimés, analysés, prisés. Le danger qui guette est la crue exceptionnelle de la Seine cette année-là, mais ce n’est pas exactement la catastrophe à laquelle Gabrielle se prépare… En 2014, à Los Angeles, on se croirait plutôt chez David Lynch, avec les mirages et la mainmise de l’industrie du spectacle sur les êtres, la paranoïa et la schizophrénie qui couvent. Le sexe est une obsession omniprésente, virant à la frustration dangereuse chez ceux qui en sont privés. Et un tremblement de terre menace, mais ce n’est toujours pas précisément la catastrophe qui fait cauchemarder Gabrielle. Quand aux scènes qui représentent 2044, elles arrivent à point nommé, avec leur calme glacé, pour alimenter la réflexion actuelle sur l’intelligence artificielle. Dans cette dystopie, la propension humaine à fabriquer des artefacts (comme les poupées en porcelaine, puis en bakélite, assemblées au XXᵉ siècle par le mari industriel de Gabrielle) s’est définitivement retournée contre nous. Le maillon faible devient le vivant lui-même, chez qui les désirs, les doutes et les peurs limitent l’efficacité. Se débarrasser de sa sensibilité semble donc une aubaine, voire une nécessité. Mais, là est le dilemme de l’héroïne, la perspective de ne plus souffrir est aussi celle de ne plus rien ressentir, de ne plus jamais aimer. La Bête est non seulement un film romanesque, mais aussi profondément romantique, hanté par la disparition des sentiments comme le fut, en son temps, L’Éclipse, d’Antonioni, sur fond de financiarisation du monde. Entre terreurs primitives et ténèbres technologiques, la lumière vient ici du personnage féminin, autant dire de Léa Seydoux, presque tout le temps à l’image. Qu’elle joue l’opacité dans la première époque, la vulnérabilité dans la deuxième, ou la subversion enfin, elle incarne l’unité de l’ensemble, endosse magnifiquement la cause défendue. En retour, La Bête offre à l’actrice de faire entendre sa voix comme peu de films auparavant. Jusqu’à faire entendre, littéralement, son cri. L’OMBRE DE GASPARD ULLIELÉlégant amoureux platonique au début du film, solitaire rongé par l’exclusion sexuelle ensuite, l’homme de La Bête s’inscrit dans une lignée de personnages masculins extrêmement singuliers qui peuplent l’univers de Bertrand Bonello. Ainsi Laurent Lucas dans Tiresia (2003), tortionnaire comme surgi d’un film de Robert Bresson, ou Finnegan Oldfield dans Nocturama (2016), idéaliste kamikaze préférant la mort à la société néolibérale. Le plus mémorable reste Gaspard Ulliel dans le costume d’un Saint Laurent (2014) insaisissable, étranger en son propre royaume. C’est à Ulliel, mort pendant la préparation du film, en janvier 2022, que La Bête était destiné — et, aujourd’hui dédié. En choisissant, pour le remplacer, l’Anglais George MacKay (révélé par 1917, de Sam Mendes), Bonello met en lumière plusieurs visages d’un acteur insolite et captivant.

Année : 2023

Avec : Dasha Nekrasova, Elina Löwensohn, Felicien Pinot, George MacKay, Guslagie Malanga, Julia Faure, Kester Lovelace, Laurent Lacotte, Lukas Ionesco, Léa Seydoux, Marta Hoskins, Martin Scali

Récemment en février
 

La Bête

Télévision : 12 février à 02:08-04:30 sur Canal +

film : drame

En 2044, alors que le monde est dominé par l'intelligence artificielle, Gabrielle fait face à un dilemme. Pour continuer à développer son potentiel, la jeune femme doit accepter de purifier son ADN en se débarrassant des émotions profondément ancrées dans son esprit, et désormais considérées comme une véritable menace. Pour atteindre cet objectif, Gabrielle effectue un voyage dans le temps afin de se replonger dans ses vies antérieures et y dénicher les éléments qui constituent un obstacle à son épanouissement. Elle retourne donc au début du XXe siècle pour y retrouver Louis, l'homme mystérieux qu'elle fréquentait à cette époque... - Critique : N’ayons pas peur de La Bête, œuvre non classifiée, comme il en va de certaines espèces. Il faut se faire attraper, accepter la morsure, laisser agir le venin. Et le film alien peut devenir un ami. Sous ses dehors de chimère, il parle de l’humain et de l’humanité, du risque de leur évaporation… Et puis c’est un film d’amour. Deux êtres aimantés l’un par l’autre s’y croisent et recroisent à différentes époques. 2044. Gabrielle (Léa Seydoux) vit dans un monde, le nôtre, qui a mal tourné, du moins de son point de vue de mortelle. L’intelligence artificielle a pris le pouvoir et réglé, à sa manière, tous les problèmes. Les individus de chair et de sang, devenus inutiles, presque surnuméraires, sont sommés, pour rester dans la course, de subir un traitement de « purification » psychique, destiné à abolir leurs affects. Lors de cette opération, ils revoient et revivent mentalement les moments de leur passé qui concentrent leurs émotions. Et Gabrielle a eu plusieurs existences… Voilà donc un cinéaste étiqueté art et essai, Bertrand Bonello, le réalisateur esthète de L’Apollonide et de Saint Laurent, qui effectue un spectaculaire double salto. À la fois, il nous plonge dans une science-fiction dystopique et nous invite à croire aux vies antérieures. Soit deux pistes fantastiques distinctes, mais qui se rejoindront. Car derrière son foisonnement baroque, le film raconte une seule histoire, simple et puissante, de sa première à sa dernière image. Cette histoire provient d’une célèbre nouvelle de l’écrivain américain Henry James, publiée en 1903, La Bête dans la jungle. Son personnage principal se caractérise par le pressentiment qu’une immense catastrophe l’attend, personnellement, tôt ou tard. Dans le film, Gabrielle s’en ouvre à un homme, Louis (George MacKay), dès le début du XXᵉ siècle. Comme chez Henry James, la confidence les rapproche, fait naître une attirance mutuelle entre eux. Mais la jeune femme est mariée, le grand amour en puissance risque de rester lettre morte. Rendez-vous dans une autre vie ? L’époque suivante dont Gabrielle se souvient est toute différente : en 2014, elle cherche à faire carrière à Hollywood. Gardant une villa pour gagner de l’argent, elle retrouve alors Louis sous les traits d’un psychopathe rôdant alentour, obsédé par sa virginité subie et le dégoût qu’il pense inspirer aux filles… Les vies successives de l’héroïne composent un triptyque fascinant, où les correspondances, les récurrences mais aussi les différences nourrissent le suspense et l’imagination. Quel est donc l’événement terrible redouté depuis toujours par Gabrielle ? Les deux personnages pourront-ils un jour partager davantage que cette prémonition ? Avec un scénario aussi sophistiqué, Bertrand Bonello peut sortir le grand jeu, explorer plusieurs genres cinématographiques en parallèle, du mélodrame au thriller. Ne plus rien ressentir, ne plus jamais aimer ? Le film en costumes de 1910 est ainsi une délicate évocation du Paris des salons cultivés. Les sentiments y sont exprimés, analysés, prisés. Le danger qui guette est la crue exceptionnelle de la Seine cette année-là, mais ce n’est pas exactement la catastrophe à laquelle Gabrielle se prépare… En 2014, à Los Angeles, on se croirait plutôt chez David Lynch, avec les mirages et la mainmise de l’industrie du spectacle sur les êtres, la paranoïa et la schizophrénie qui couvent. Le sexe est une obsession omniprésente, virant à la frustration dangereuse chez ceux qui en sont privés. Et un tremblement de terre menace, mais ce n’est toujours pas précisément la catastrophe qui fait cauchemarder Gabrielle. Quand aux scènes qui représentent 2044, elles arrivent à point nommé, avec leur calme glacé, pour alimenter la réflexion actuelle sur l’intelligence artificielle. Dans cette dystopie, la propension humaine à fabriquer des artefacts (comme les poupées en porcelaine, puis en bakélite, assemblées au XXᵉ siècle par le mari industriel de Gabrielle) s’est définitivement retournée contre nous. Le maillon faible devient le vivant lui-même, chez qui les désirs, les doutes et les peurs limitent l’efficacité. Se débarrasser de sa sensibilité semble donc une aubaine, voire une nécessité. Mais, là est le dilemme de l’héroïne, la perspective de ne plus souffrir est aussi celle de ne plus rien ressentir, de ne plus jamais aimer. La Bête est non seulement un film romanesque, mais aussi profondément romantique, hanté par la disparition des sentiments comme le fut, en son temps, L’Éclipse, d’Antonioni, sur fond de financiarisation du monde. Entre terreurs primitives et ténèbres technologiques, la lumière vient ici du personnage féminin, autant dire de Léa Seydoux, presque tout le temps à l’image. Qu’elle joue l’opacité dans la première époque, la vulnérabilité dans la deuxième, ou la subversion enfin, elle incarne l’unité de l’ensemble, endosse magnifiquement la cause défendue. En retour, La Bête offre à l’actrice de faire entendre sa voix comme peu de films auparavant. Jusqu’à faire entendre, littéralement, son cri. L’OMBRE DE GASPARD ULLIELÉlégant amoureux platonique au début du film, solitaire rongé par l’exclusion sexuelle ensuite, l’homme de La Bête s’inscrit dans une lignée de personnages masculins extrêmement singuliers qui peuplent l’univers de Bertrand Bonello. Ainsi Laurent Lucas dans Tiresia (2003), tortionnaire comme surgi d’un film de Robert Bresson, ou Finnegan Oldfield dans Nocturama (2016), idéaliste kamikaze préférant la mort à la société néolibérale. Le plus mémorable reste Gaspard Ulliel dans le costume d’un Saint Laurent (2014) insaisissable, étranger en son propre royaume. C’est à Ulliel, mort pendant la préparation du film, en janvier 2022, que La Bête était destiné — et, aujourd’hui dédié. En choisissant, pour le remplacer, l’Anglais George MacKay (révélé par 1917, de Sam Mendes), Bonello met en lumière plusieurs visages d’un acteur insolite et captivant.

Année : 2023

Avec : Dasha Nekrasova, Elina Löwensohn, Felicien Pinot, George MacKay, Guslagie Malanga, Julia Faure, Kester Lovelace, Laurent Lacotte, Lukas Ionesco, Léa Seydoux, Marta Hoskins, Martin Scali

Récemment en février
 

La Bête

Télévision : 12 février à 02:08-04:29 sur Canal +

film : drame

En 2044, alors que le monde est dominé par l'intelligence artificielle, Gabrielle fait face à un dilemme. Pour continuer à développer son potentiel, la jeune femme doit accepter de purifier son ADN en se débarrassant des émotions profondément ancrées dans son esprit, et désormais considérées comme une véritable menace. Pour atteindre cet objectif, Gabrielle effectue un voyage dans le temps afin de se replonger dans ses vies antérieures et y dénicher les éléments qui constituent un obstacle à son épanouissement. Elle retourne donc au début du XXe siècle pour y retrouver Louis, l'homme mystérieux qu'elle fréquentait à cette époque... - Critique : N’ayons pas peur de La Bête, œuvre non classifiée, comme il en va de certaines espèces. Il faut se faire attraper, accepter la morsure, laisser agir le venin. Et le film alien peut devenir un ami. Sous ses dehors de chimère, il parle de l’humain et de l’humanité, du risque de leur évaporation… Et puis c’est un film d’amour. Deux êtres aimantés l’un par l’autre s’y croisent et recroisent à différentes époques. 2044. Gabrielle (Léa Seydoux) vit dans un monde, le nôtre, qui a mal tourné, du moins de son point de vue de mortelle. L’intelligence artificielle a pris le pouvoir et réglé, à sa manière, tous les problèmes. Les individus de chair et de sang, devenus inutiles, presque surnuméraires, sont sommés, pour rester dans la course, de subir un traitement de « purification » psychique, destiné à abolir leurs affects. Lors de cette opération, ils revoient et revivent mentalement les moments de leur passé qui concentrent leurs émotions. Et Gabrielle a eu plusieurs existences… Voilà donc un cinéaste étiqueté art et essai, Bertrand Bonello, le réalisateur esthète de L’Apollonide et de Saint Laurent, qui effectue un spectaculaire double salto. À la fois, il nous plonge dans une science-fiction dystopique et nous invite à croire aux vies antérieures. Soit deux pistes fantastiques distinctes, mais qui se rejoindront. Car derrière son foisonnement baroque, le film raconte une seule histoire, simple et puissante, de sa première à sa dernière image. Cette histoire provient d’une célèbre nouvelle de l’écrivain américain Henry James, publiée en 1903, La Bête dans la jungle. Son personnage principal se caractérise par le pressentiment qu’une immense catastrophe l’attend, personnellement, tôt ou tard. Dans le film, Gabrielle s’en ouvre à un homme, Louis (George MacKay), dès le début du XXᵉ siècle. Comme chez Henry James, la confidence les rapproche, fait naître une attirance mutuelle entre eux. Mais la jeune femme est mariée, le grand amour en puissance risque de rester lettre morte. Rendez-vous dans une autre vie ? L’époque suivante dont Gabrielle se souvient est toute différente : en 2014, elle cherche à faire carrière à Hollywood. Gardant une villa pour gagner de l’argent, elle retrouve alors Louis sous les traits d’un psychopathe rôdant alentour, obsédé par sa virginité subie et le dégoût qu’il pense inspirer aux filles… Les vies successives de l’héroïne composent un triptyque fascinant, où les correspondances, les récurrences mais aussi les différences nourrissent le suspense et l’imagination. Quel est donc l’événement terrible redouté depuis toujours par Gabrielle ? Les deux personnages pourront-ils un jour partager davantage que cette prémonition ? Avec un scénario aussi sophistiqué, Bertrand Bonello peut sortir le grand jeu, explorer plusieurs genres cinématographiques en parallèle, du mélodrame au thriller. Ne plus rien ressentir, ne plus jamais aimer ? Le film en costumes de 1910 est ainsi une délicate évocation du Paris des salons cultivés. Les sentiments y sont exprimés, analysés, prisés. Le danger qui guette est la crue exceptionnelle de la Seine cette année-là, mais ce n’est pas exactement la catastrophe à laquelle Gabrielle se prépare… En 2014, à Los Angeles, on se croirait plutôt chez David Lynch, avec les mirages et la mainmise de l’industrie du spectacle sur les êtres, la paranoïa et la schizophrénie qui couvent. Le sexe est une obsession omniprésente, virant à la frustration dangereuse chez ceux qui en sont privés. Et un tremblement de terre menace, mais ce n’est toujours pas précisément la catastrophe qui fait cauchemarder Gabrielle. Quand aux scènes qui représentent 2044, elles arrivent à point nommé, avec leur calme glacé, pour alimenter la réflexion actuelle sur l’intelligence artificielle. Dans cette dystopie, la propension humaine à fabriquer des artefacts (comme les poupées en porcelaine, puis en bakélite, assemblées au XXᵉ siècle par le mari industriel de Gabrielle) s’est définitivement retournée contre nous. Le maillon faible devient le vivant lui-même, chez qui les désirs, les doutes et les peurs limitent l’efficacité. Se débarrasser de sa sensibilité semble donc une aubaine, voire une nécessité. Mais, là est le dilemme de l’héroïne, la perspective de ne plus souffrir est aussi celle de ne plus rien ressentir, de ne plus jamais aimer. La Bête est non seulement un film romanesque, mais aussi profondément romantique, hanté par la disparition des sentiments comme le fut, en son temps, L’Éclipse, d’Antonioni, sur fond de financiarisation du monde. Entre terreurs primitives et ténèbres technologiques, la lumière vient ici du personnage féminin, autant dire de Léa Seydoux, presque tout le temps à l’image. Qu’elle joue l’opacité dans la première époque, la vulnérabilité dans la deuxième, ou la subversion enfin, elle incarne l’unité de l’ensemble, endosse magnifiquement la cause défendue. En retour, La Bête offre à l’actrice de faire entendre sa voix comme peu de films auparavant. Jusqu’à faire entendre, littéralement, son cri. L’OMBRE DE GASPARD ULLIELÉlégant amoureux platonique au début du film, solitaire rongé par l’exclusion sexuelle ensuite, l’homme de La Bête s’inscrit dans une lignée de personnages masculins extrêmement singuliers qui peuplent l’univers de Bertrand Bonello. Ainsi Laurent Lucas dans Tiresia (2003), tortionnaire comme surgi d’un film de Robert Bresson, ou Finnegan Oldfield dans Nocturama (2016), idéaliste kamikaze préférant la mort à la société néolibérale. Le plus mémorable reste Gaspard Ulliel dans le costume d’un Saint Laurent (2014) insaisissable, étranger en son propre royaume. C’est à Ulliel, mort pendant la préparation du film, en janvier 2022, que La Bête était destiné — et, aujourd’hui dédié. En choisissant, pour le remplacer, l’Anglais George MacKay (révélé par 1917, de Sam Mendes), Bonello met en lumière plusieurs visages d’un acteur insolite et captivant.

Année : 2023

Avec : Dasha Nekrasova, Elina Löwensohn, Felicien Pinot, George MacKay, Guslagie Malanga, Julia Faure, Kester Lovelace, Laurent Lacotte, Lukas Ionesco, Léa Seydoux, Marta Hoskins, Martin Scali

Antérieurement en 2024
 

Les petits meurtres d'Agatha Christie

Télévision : 23 février 2024 à 21:10-22:39 sur France 2

série policière

Mortel karma. Saison:3 - Episode:9 - Le patron d'un empire du luxe français, Pierre Baldini, est assassiné sauvagement alors qu'il allait modifier son testament. Il était sur le point de déshériter sa fille unique, Jade, et de léguer toute sa fortune à ses nouveaux amis, un groupe de jeunes hippies bouddhistes. Jade, insupportable petite-fille de riches pourrie-gâtée, se retrouve dans le collimateur de la police. Mais une surprise de taille attend la commissaire Gréco. Jade est une enfant adoptée et les dates coïncident : elle pourrait être la petite fille que Gréco a abandonnée il y a vingt-cinq ans. La commissaire doit se concentrer pour garder la tête froide dans cette affaire... - Critique : Nous voilà au cœur des années 1970 et leurs cols pelle à tarte, minijupes sexy, couleurs psychédéliques et autres délires hippies. Dans ce deuxième épisode, on suit donc la première femme commissaire de France, Annie Gréco (Émilie Gavois-Kahn), et ses deux acolytes, Max Beretta (Arthur Dupont) et la psychologue Rose Bellecour (Chloé Chaudoye), qui enquêtent sur le meurtre de deux jeunes mannequins, habituées des couvertures d’un magazine de mode, Femmes. Très vite, les premiers indices semblent désigner le photographe John Devers, dragueur lourd et amateur notoire de très jeunes filles. Mais alors que l’on découvre le corps d’une troisième femme dans les locaux du journal, la menace d’un tueur en série plane et le commissaire Gréco se trouve sur la touche. Furieuse, elle claque la porte et décide de mener l’enquête en sous-marin. Un épisode brillamment réalisé par Nicolas Picard-Dreyfuss et interprété par un trio gagnant, drôle et attachant, qui sous couvert de mode et de superficialité aborde, l’air de rien, les questions de libération et d’émancipation sexuelles des femmes de cette époque (magnifiquement reconstituée par ailleurs) avec intelligence et justesse. Ces Petits Meurtres nouvelle version n’ont rien perdu de leur ton loufoque et décalé, de leur féminisme joyeux, et c’est tant mieux.

Année : 2022

De : Christophe Douchand

Avec : Arthur Dupont, Benoît Moret, Chloé Chaudoye, Emilie Gavois-Kahn, Lola Aubrière, Lukas Ionesco, Nicolas Lumbreras, Philippe Vieux, Pouly Jérôme, Quentin Baillot, Sophie Le Tellier, Xavier Lemaître

Antérieurement en 2022
 

Il était une seconde fois

Télévision : 24 janvier 2022 à 02:20-03:10 sur Arte

série dramatique

Ti amo. Saison:1 - Episode:3 - Vincent montre le cube à son ami Romain pour lui prouver qu'il n'est pas fou, mais l'objet ne semble fonctionner que dans la cave de sa maison. Menacé de licenciement, l'homme qui lui a livré le colis par erreur sonne à sa porte pour le récupérer. Les voyages dans le passé de Vincent prennent bientôt une nouvelle dimension... - Critique : Vincent, la trentaine, père célibataire, peine à se remettre de sa rupture avec Louise, une jeune Franco-Britannique. Il noie son chagrin dans l’alcool et les nuits sans lendemain, jusqu’au jour où un livreur distrait dépose chez lui un cube en bois aux propriétés surnaturelles : quand il se glisse à l’intérieur, il ressort au même endroit mais dans un espace-temps antérieur, lorsque sa relation avec Louise n’avait pas encore commencé à se dégrader. Il réalise qu’il tient peut-être une occasion inespérée de corriger ses erreurs… Guillaume Nicloux (Une affaire privée, Valley of Love) mêle le thriller fantastique et la romance, revisitant la figure mythologique du héros propulsé à travers le temps pour sauver et garder sa bien-aimée. Gaspard Ulliel, déjà à l’affiche des Confins du monde, le précédent film de Nicloux, et l’Ecossaise Freya Mavor, vue dans Skins, sont parfaits, tout en intériorité. On suit, intrigué, leur liaison inquiète qui par instants capture l’essence des amours impossibles. Néanmoins, l’étrange apathie qui plane sur cette histoire fige la passion et empêche l’émotion de nous envahir. On ressort de ces quatre épisodes diffusés d’un bloc certes saisi, comme après un long film, mais un peu à distance de personnages pour qui l’on aurait aimé trembler.

Année : 2019

Avec : Emile Berling, Eva Ionesco, Freya Mavor, Gaspard Ulliel, Juliette Joy, Lukas Ionesco, Patrick d'Assumçao, Paul Bandey, Richard Dillane, Ronia Ava, Sermonne Claire

Antérieurement en 2021
 

Il était une seconde fois

Télévision : 17 novembre 2021 à 01:50-02:40 sur Arte

Série dramatique

Vincent montre le cube à son ami Romain pour lui prouver qu'il n'est pas fou, mais l'objet ne semble fonctionner que dans la cave de sa maison. Menacé de licenciement, l'homme qui lui a livré le colis par erreur sonne à sa porte pour le récupérer. Les voyages dans le passé de Vincent prennent bientôt une nouvelle dimension...

Année : 2019

De : Guillaume Nicloux

Avec : Gaspard Ulliel, Freya Mavor, Patrick d'Assumçao, Richard Dillane, Claire Sermonne, Eva Ionesco, Juliette Joy, Ronia Ava, Paul Bandey, Emile Berling, Lukas Ionesco

Antérieurement en 2021
 

Jessica Forever

Télévision : 23 septembre 2021 à 01:25-03:00 sur Arte

Film fantastique

L'étrange Jessica dirige un groupe d'hommes, les Orphelins, à la recherche d'un foyer pour vivre et où ils ne seront pas persécutés. Chaque membre de cette famille recomposée cherche à combattre un besoin viscéral de violence. Derrière cette virilité exacerbée se dissimule une fragilité adolescente, que Jessica, figure maternelle mi-guérisseuse mi-guerrière cherche à éveiller...

Année : 2018

De : Caroline Poggi, Jonathan Vinel

Avec : Aomi Muyock, Sebastian Urzendowsky, Augustin Raguenet, Lukas Ionesco, Paul Hamy, Eddy Suiveng, Maya Coline, Angelina Woreth, Théo Costa-Marini, Franck Falise, Florian Kiniffo, Jordan Klioua

Antérieurement en 2020
 

Une jeunesse dorée

Télévision : 12 mai 2020 à 01:10-03:00 sur Canal +

Drame

A la fin des années 1970, Rose, une jeune fille de 16 ans issue de la DDASS, brutale et sensuelle, est très amoureuse de Michel, son fiancé de 22 ans, peintre sans le sou, doux et sensible. Le couple vit une grande passion et se sent bientôt prêt à connaître de nouvelles expériences. Une fois installés à Paris, les deux jeunes noctambules côtoient un groupe de joyeux excentriques et rencontrent un couple de quinquagénaires, Lucile et Hubert, des bourgeois un peu bohèmes, riches, oisifs et surtout manipulateurs, qui multiplient les expériences libertines. Séduits par leur mode de vie, Rose et Michel tombent sous leur charme...

Année : 2019

De : Eva Ionesco

Avec : Galatéa Bellugi, Lukas Ionesco, Isabelle Huppert, Melvil Poupaud, Alain-Fabien Delon, Nassim Guizani, Judith Zins, Manal Issa, Brian Scott Bagley, Benoît Solès, Rupert Wilmot, Marc Citti

Antérieurement en 2019
 

Une jeunesse dorée

Télévision : 4 décembre 2019 à 01:55-03:45 sur Canal +

Drame

A la fin des années 1970, Rose, une jeune fille de 16 ans issue de la DDASS, brutale et sensuelle, est très amoureuse de Michel, son fiancé de 22 ans, peintre sans le sou, doux et sensible. Le couple vit une grande passion et se sent bientôt prêt à connaître de nouvelles expériences. Une fois installés à Paris, les deux jeunes noctambules côtoient un groupe de joyeux excentriques et rencontrent un couple de quinquagénaires, Lucile et Hubert, des bourgeois un peu bohèmes, riches, oisifs et surtout manipulateurs, qui multiplient les expériences libertines. Séduits par leur mode de vie, Rose et Michel tombent sous leur charme...

Année : 2019

De : Eva Ionesco

Avec : Galatéa Bellugi, Lukas Ionesco, Isabelle Huppert, Melvil Poupaud, Alain-Fabien Delon, Nassim Guizani, Judith Zins, Manal Issa, Brian Scott Bagley, Benoît Solès, Rupert Wilmot, Marc Citti

Antérieurement en 2019
 

Jessica Forever (Combo Blu-ray + DVD) - Blu-ray

DVD/Blu-ray : 11 septembre 2019

Editeur : Le Pacte

Année : 2018

De : Caroline Poggi, Jonathan Vinel

Avec : Aomi Muyock, Sebastian Urzendowsky, Augustin Raguenet, Eddy Suiveng, Lukas Ionesco, Maya Coline, Paul Hamy, Angelina Woreth

Antérieurement en 2019
 

Une jeunesse dorée - DVD

DVD/Blu-ray : 3 septembre 2019

Editeur : KMBO

Année : 2019

De : Eva Ionesco

Avec : Isabelle Huppert, Galatéa Bellugi, Melvil Poupaud, Lukas Ionesco, Alain-Fabien Delon, Nassim Guizani, Judith Zins, Manal Issa

Antérieurement en 2019