Télévision : 26 décembre à 17:10-19:03 sur Canal +

film : drame

Les années 1960, dans un bar d'une ville du Midwest. Kathy, une jeune femme au tempérament bien trempé, croise Benny, qui vient d'intégrer la bande de motards des Vandals, et tombe immédiatement sous son charme. A l'image du pays tout entier, le gang, dirigé par l'énigmatique Johnny, évolue au fil des années. Alors que les motards acceptaient jadis tous les marginaux qui avaient du mal à trouver leur place dans la société, les Vandals sombrent dans la violence au tournant des années 1970 et deviennent une bande de voyous sans vergogne. Dos au mur, Benny se retrouve alors contraint de choisir entre son amour pour Kathy et sa loyauté envers le gang... - Critique : Si vous êtes dingue de moto, vous en savez sans doute déjà beaucoup sur la teneur du film. Si vous préférez le vélo ou le surf, ne partez pas : The Bikeriders pourrait aussi vous passionner. Nous voilà au début des années 1960, du côté de Chicago. Kathy, jeune femme aussi sémillante que résolue, se retrouve par hasard dans un bar, QG d’un club de motards. La faune masculine qui s’y trouve la rebute aussitôt et l’incite à battre en retraite. Sauf qu’elle croise le regard de Benny, irrésistible. Coup de foudre. L’archange de l’enfer l’emmène faire un tour sur son engin mécanique vrombissant. La blonde piquante est conquise. Tout en restant lucide : elle sait qu’en se liant à l’apollon, elle épouse aussi sa bande d’amis. Ces « bikers » en jean, bottes et blousons de cuir, on les connaît. Mais on ne les a jamais vus d’aussi près, ni senti ainsi leur parfum mêlé de sueur, d’essence et de cambouis. Ils sont un archétype de la culture rock, né en 1953 avec L’Équipée sauvage de László Benedek, que Marlon Brando immortalisa en posant, casquette de cuir, appuyé sur sa Triumph Thunderbird. À l’époque du film de Benedek, les bikers n’étaient pas encore le phénomène de société qu’il allait devenir dix ans plus tard (1). Et que Jeff Nichols sonde en s’appuyant sur un livre de photographies et d’interviews de Danny Lion, publié en 1967. Avec un regard de sociologue, le réalisateur montre comment ces gominés sur leurs motocyclettes chromées sont des indésirables, ayant retourné leur exclusion en marginalité fière. Des fugueurs frustes et sans diplômes, créant leur monde, avec ses codes, ses règles, sa raison de vivre commune. C’est une sous-culture, cimentée par l’alcool, la bagarre, la provocation. Une mythologie, indissociable de l’Amérique et de sa violence : lorsqu’ils arrivent en ville, ils sont des cow-boys qui font peur. Leurs grosses cylindrées ont remplacé les chevaux. Ces desperados sont organisés comme une armée. Un trio sexy en diable Benny, tête brûlée, solitaire, est le plus rapide, à même d’échapper à la police. Pourtant, ce n’est pas vraiment le culte de la vitesse qui importe ici, mais plutôt une forme de nonchalance insolente. Jeff Nichols filme ses personnages plus souvent à l’arrêt que sur la route, assis de côté sur leur bécane, comme posant ou s’exhibant. La frime, la dégaine et les postures aguicheuses, la circulation du désir dominent ce portrait de groupe et son arsenal de fétiches (des gants en cuir à la clef à la molette), où se niche un triangle amoureux. Au couple formé par Kathy et Benny, il faut ajouter Johnny, le chef du club des Vandals. L’amitié fusionnelle voire amoureuse des deux hommes électrise le tableau, sexy en diable. La cinégénie manifeste des trois comédiens, Jodie Comer, Tom Hardy et Austin Butler, concourt à la fascination. Avec une mention spéciale pour le dernier, croisement de James Dean et de Christopher Walken. Le récit, raconté au passé par Kathy, ne manque pas de discernement sur le caractère rustre et parfois risible de ces anges de l’enfer. Il est malgré tout empreint d’une certaine nostalgie. On y sent à la fois la prescience d’un drame et le sentiment d’une innocence qui va se perdre. Une innocence liée à la jeunesse et à cette période vécue comme un âge d’or de la moto, avant le basculement, à l’orée des années 1970, où les bandes virent aux gangs criminels. Ce qui affleure et touche le plus dans le film, c’est qu’on y voit passer une utopie accomplie : le couple et le collectif un temps enlacés.

Année : 2023

Avec : Austin Butler, Beau Knapp, Boyd Holbrook, Damon Herriman, Emory Cohen, Jodie Comer, Karl Glusman, Michael Shannon, Mike Faist, Norman Reedus, Tom Hardy, Wallace Toby