Télévision : 3 octobre à 15:52-19:12 sur Canal +

film : drame historique

Durant les années 1920, dans l'Oklahoma, le peuple amérindien Osage a fait fortune grâce à ses terres qui regorgent de gisements de pétrole. Cette abondance d'or noir attise la convoitise des prospecteurs blancs qui souhaitent s'accaparer une part de ce juteux filon. Au fil des mois, plusieurs membres de la tribu sont assassinés. Faute d'enquête sérieuse sur ces homicides, de nombreux Indiens prennent peur et fuient la réserve pour s'installer en ville, à l'image de Mollie et de son époux blanc, Ernest Burkhart. Ce n'est que lorsque Mollie fera directement appel au président Coolidge que le FBI sera envoyé sur place pour enquêter... - Critique : La tragédie des Indiens osage a connu une parenthèse enchantée, digne d’une fable. Si incroyable qu’on pourrait la croire sortie de l’esprit de Quentin Tarantino, qui n’aime rien tant que réinventer l’histoire pour réparer des injustices de masse. Chassé du Kansas à la fin du XIXᵉ siècle au profit des colons blancs, ce peuple amérindien fut relégué dans un coin aride de l’Oklahoma. Une terre stérile de laquelle, ô miracle !, ont jailli un beau jour des geysers d’or noir. Grâce à ce gisement de pétrole, qui fut le plus important des États-Unis, les Indiens osage devinrent extraordinairement riches. Tels des nababs, ils possédaient de vastes propriétés, employaient des domestiques blancs et paradaient en ville dans les automobiles les plus rutilantes. C’est précisément ce tableau fabuleux que l’on découvre au début du film, en même temps qu’Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio). À sa descente du train, ce petit Blanc, revenu de la guerre au lendemain de l’armistice de 1918, a l’air un peu ahuri par le spectacle surréel s’offrant devant lui. Ce pseudo-héros (il ne portait pas d’armes, seulement les ustensiles du cuistot) est attendu par son oncle, William Hale (Robert De Niro), qui le reçoit dans son grand manoir. Riche fermier qui a fait fortune dans l’élevage du bétail, le vieil homme fait montre d’une bonhomie taquineuse. Il prend son temps pour expliquer la situation de la région, présenter la civilisation osage, qu’il dit admirer et dont il se sent proche. Preuve de son attachement, il a appris leur langue, assiste à leurs fêtes et leur fait toutes sortes de dons, s’affichant comme leur mascotte. Au cours de l’entretien, l’oncle recommande d’ailleurs chaudement à son neveu de se trouver une belle « millionnaire rouge », ce qui lui assurerait une excellente situation. Docile, Ernest la trouve assez vite, grâce à son activité de chauffeur de taxi. C’est en la transportant à plusieurs reprises qu’il fait sa connaissance. Elle s’appelle Molly Kyle (Lily Gladstone), elle a un port de reine, une parole de cheffe sage. À côté d’elle, le nouvel arrivant semble fruste, mal dégrossi mais il est touché. Elle le sent. Grâce à elle, il s’amende et va s’enrichir. Pas seulement financièrement, espère-t-on. Cette histoire d’amour aberrant est le cœur vibrant mais masqué de cette fresque. Masqué car, entre-temps, le mal est apparu et s’est installé au premier plan. La richesse des osage suscitant les convoitises et ravivant des colères, la communauté est peu à peu frappée par une série de meurtres atroces. C’est ce « règne de la terreur » au début des années 1920, tout un pan d’histoire enfouie, que l’écrivain journaliste David Grann a déterré dans son enquête magistrale, La Note américaine, ouvrage décisif à l’origine du film. Les multiples ramifications (historiques, criminelles, policières, économiques) de Killers of the Flower Moon font qu’il dépasse le genre strict du western pour devenir, entre autres, un film de mafia, spécialité de Martin Scorsese. Mais assez loin de la violence incontrôlable, baroque, bestiale, des Affranchis. Car les crimes sont ici montrés de manière sèche. Et surtout, le « parrain » local est nettement plus calculateur, démoniaque, machiavélique. Il s’agit de William Hale, celui-là même qu’on présentait plus haut comme l’oncle bonhomme. Dans ce rôle d’ordure accomplie dissimulée sous l’apparence du bien, Robert De Niro livre une grande performance. Supérieure sans doute à celle de Leonardo DiCaprio, qui a tendance à surjouer et se répéter, exposant le même masque grimaçant à la Brando. À sa décharge, le personnage qu’il incarne est un homme aveuglé, enlisé dans sa bêtise, piégé comme un enfant terrifié. Le mouvement du film consiste à le faire accéder in extremis à une forme de lucidité, mais trop tard pour lui. Le long processus aboutit à la naissance tragique d’une conscience, synonyme, en l’occurrence, de mauvaise conscience. Malgré sa durée un peu décourageante, Killers of the Flower Moon est un film captivant de bout en bout, sans être électrique ni survolté, comme Casino. Son rythme fluide et enveloppant le rapproche d’un classicisme à la Clint Eastwood. C’est par son ampleur thématique, sa peinture familiale (Molly et ses sœurs), ses relances de l’action par de nouveaux enjeux — comme l’investigation policière menée par le FBI naissant, dans le dernier tiers —, qu’il passionne. Tout en virant peu à peu au crépuscule et à l’obscurité, à mesure que la conspiration prend des allures dantesques. Le gisement d’or noir rime avec gisants. L’enfer est ici la mort à petit feu, le lent empoisonnement, la descente progressive vers les ténèbres. Reste alors un terrible gâchis : celui d’un immense amour à la fois vécu, manqué et massacré.

Année : 2023

Avec : Brendan Fraser, Cara Jade Myers, Jason Isbell, Jesse Plemons, John Lithgow, Leonardo DiCaprio, Lily Gladstone, Michael Arnold, Robert De, Scott Shepherd, Tantoo Cardinal, Tatanka Means, William Belleau