Télévision : 12 décembre à 17:36-19:12 sur Canal +
film : drame
Lydia, une sage-femme consciencieuse et très investie dans son travail, est en pleine rupture amoureuse. Au même moment, Salomé, sa meilleure amie, lui annonce qu'elle est enceinte et lui demande de suivre sa grossesse. Quelques mois plus tard, Lydia recroise Milos, une conquête d'un soir, alors qu'elle tient le bébé de Salomé dans ses bras. Elle prétend alors, sans même savoir pourquoi, qu'elle est la mère du nourrisson. Constatant que le regard que Milos pose sur elle change après cette annonce, Lydia s'enfonce ensuite dans le mensonge, au risque de perdre tous ceux qu'elle aime le plus... - Critique : Ouvert au double sens, voilà un titre séduisant. Le ravissement comme extase ou comme rapt ? Ces deux acceptions différentes peuvent se rapprocher : dans l’extase, on est transporté, ravi à soi-même. La réalisatrice Iris Kaltenbäck ne cache pas s’être inspirée du Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras, livre qui l’a marquée et dont on retrouve plusieurs thèmes, comme l’obsession et le déni de chagrin. Le film, ancré dans un Paris hivernal plutôt rude, reste malgré tout éloigné de l’univers durassien. Lydia (Hafsia Herzi) y est une sage-femme d’aujourd’hui, consciencieuse, investie dans un travail qu’elle aime beaucoup. On l’imagine stable, équilibrée. Quelque chose va pourtant la faire dérailler, qui est exploré d’emblée par une voix off, celle d’un homme ayant connu Lydia et refaisant l’historique des événements. Le Ravissement, et c’est là une partie de son attrait romanesque, ne se situe pas dans un présent immédiat. Il est raconté avec la distance du passé, rendant les images marquantes et indécises à la fois. Cette héroïne a une amie très proche, Salomé. Entre elles, c’est un peu le jour et la nuit. Salomé a du tempérament, elle est spontanée, bavarde, bouillonnante. Lydia est réfléchie et secrète, plus opaque. Cette dissemblance les a sans doute attirées, a fondé leur lien. Ce type d’amitié forte, passionnelle, peut-être amoureuse, a rarement été abordé ainsi, en écartant l’idée convenue de rivalité. Au contraire, il n’est question que d’entraide, jusqu’à une forme de fusion, symbolisée par la scène très réaliste, à teneur documentaire, de l’accouchement, compliqué, difficile, de Salomé. Où Lydia est là, du début à la fin, pour assister son amie. Et recevoir, si l’on peut dire, un enfant d’elle. Ce bébé est une fille, qui porte un prénom (Esmée) suggéré par Lydia. Laquelle s’attache à l’enfant, le garde volontiers pour soulager son amie, en pleine dépression post-partum. Rien de mal a priori. À ceci près que Lydia s’enferme peu à peu dans une spirale de mensonges. Qui embarque ses proches, complices malgré eux d’une fiction à laquelle ils veulent, eux aussi, croire. Tumulte intériorisé La force étrange du Ravissement tient dans l’addition discrète de ses enjeux, comme ce besoin fou d’amour de l’héroïne, sa solitude enfouie, son refus d’appeler à l’aide. À titre d’exemple, elle ne dit rien à Salomé de ses chagrins amoureux. Après une rupture douloureuse avec un garçon qui l’a blessé, elle rencontre un chauffeur de bus (Alexis Manenti) d’origine serbe. C’est ce Milos, taciturne mais prévenant, qui parle en voix off, pour dire qu’il est difficile de cerner la sage-femme, déracinée comme lui. Et que le hasard, après une première séparation, va étrangement ramener à lui — la scène est magnifique, car filmée comme une sorte de miracle. À travers ce premier long métrage, Iris Kaltenbäck fait preuve d’une grande maîtrise. Sa mise en scène est d’autant plus louable qu’elle est invisible. Le Ravissement est un film pensé et épuré, mais qui ne s’affiche jamais comme tel. Un film d’apparence simple, qui recèle bien du mystère, invite à des interprétations diverses, mythologique ou psychanalytique — sur le refoulement, le désir inconscient. En madone tendre et inquiétante, Hafsia Herzi y est poignante de sobriété, de tumulte intériorisé. La dérive de son personnage mène, on s’en doute assez tôt, au fait divers, mais filmé sans dramatisation, avec beaucoup de retenue. Surtout, la réalisatrice imagine un après, déploie une perspective optimiste, démontrant que le geste de Lydia, aussi fou soit-il, donne naissance à un amour singulier.
Année : 2023
Avec : Alexis Manenti, Ana Blagojevic, Fabien Giameluca, Grégoire Didelot, Hafsia Herzi, Marwan Tinhougga, Mathieu Perotto, Nina Meurisse, Radmila Karabatic, Younes Boucif
DVD/Blu-ray : 10 juillet
Editeur : Gaumont
Année : 1976
De : Marguerite Duras
Avec : Nicole Hiss, Michael Lonsdale, Sylvie Nuytten, Delphine Seyrig, Marie-Pierre Thiebaut