Giuliano Mantovani : passages TV

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Vendredi dernier
 

La chimère

Télévision : 31 janvier à 03:38-05:45 sur Canal +

film : comédie dramatique

Années 1980, en Toscane. Tout juste sorti de prison, Arthur se rend dans un village situé en bord de mer Tyrrhénienne où l'attendent avec impatience ses amis, tous membres d'un groupe de pilleurs de sépultures antiques. D'origine anglaise, ce jeune passionné d'archéologie possède le pouvoir de sentir le vide, un don qu'il met au service de ses copains qui sont, contrairement à lui, uniquement guidés par l'appât du gain. Alors que la petite bande tente de découvrir de nouveaux artéfacts en échappant aussi bien aux regards indiscrets qu'aux forces de l'ordre qui les traquent, Arthur semble, de son côté, avoir d'autres priorités... - Critique : :t3: POUR « As-tu remarqué que le soleil nous suit ? » demande la nymphe, en s’adressant à la caméra. Elle est lumineuse. Épaules dénudées, elle porte une robe tricotée multicolore, qui perd un fil, un long fil enfoui dans la terre. Où est-on ? À l’intérieur du rêve d’Arthur, soudain réveillé par un contrôleur de train, dans une région reculée d’Italie. Costume blanc crème défraîchi, mal rasé, Arthur (Josh O’Connor, magnétique, fragile et viril) a la mine farouche et le regard triste d’un étranger soucieux, apte à intriguer et séduire les trois jeunes femmes du compartiment. Qui est donc ce bel inconnu capable de leur faire timidement des compliments insolites sur leur profil de tableau antique ? Un voyageur anglais parlant un peu l’italien, un bandit rêveur, un amoureux hanté, un romantique qui poursuit sa chimère. En quelques séquences, on retrouve cette magie à l’image qui n’appartient qu’à la réalisatrice d’Heureux comme Lazzaro. Cet art brut et artisanal, un « arte povera » capable de célébrer d’un seul tenant paysages et « pouilleux », marginaux et bohémiens, en croisant réalité et mythes de l’Italie. De retour dans son village au bord de la mer Tyrrhénienne, Arthur rejoint sa bande de tombaroli, des pilleurs de tombes étrusques. De nuit comme de jour, ces contrebandiers de l’archéologie creusent la terre pour dénicher des trésors vieux de plus de deux mille ans. Sans être leur chef, trop pur pour cela, Arthur les aide grâce à son don. Mi-voyant mi-sourcier, il peut localiser les endroits où sont enfouis les vestiges. Au risque de s’évanouir. Un imaginaire aussi sensible que profond Le caractère de profanation de ces vols n’est pas effacé. Mais il est estompé par le regard plein d’empathie de la réalisatrice, qui donne à ces brigands des années 1980 des allures de pieds nickelés joyeux, d’idiots savants. On baigne ici dans un univers tragi-comique aux couleurs patinées, qui obéit à un travail plastique résolu. Une sorte d’archéologie mise en images, où se superposent plusieurs couches de réalité, où se chevauchent documentaire et fiction, passé et présent, de manière très physique, révélant empreintes, textures, détails tactiles. À commencer par ces objets étrusques déterrés, merveilles qui passent fugitivement de main en main dans l’obscurité des souterrains et qui sont mis en valeur, jusqu’à leur nom mystérieux (lécythe, kylix). Mêlant profane et sacré, la poésie se niche ici partout : dans l’art étrusque comme dans le rebut, la saleté, les trognes, les bicoques de fortune, les lieux désaffectés. Entre les vivants et les morts, Arthur erre dans ce monde, sans vraiment trouver sa place. Il n’y a que les femmes pour le protéger et l’aimer. Une vieille dame, très digne dans sa folie, à la tête d’une vaste demeure délabrée (Isabella Rossellini) ; une jeune mère aussi gracieuse que clownesque (Carol Duarte, éclatante de fraîcheur) ; et le fantôme de la nymphe… Mais plus l’idéaliste sans-le-sou avance, plus on le sent en danger. Sa destinée est tragique mais contrebalancée par toutes sortes de festivités, de l’animation dans les péripéties (les images en accéléré, comme dans les films muets), de l’envolée musicale. Ce qui frappe, c’est la capacité d’Alice Rohrwacher à alimenter sans cesse de l’imaginaire en pagaille, aussi sensible que profond, avec des éléments rudimentaires. À l’exemple de ces intermèdes en chansons produits par un barde fascinant (Valentino Santagati, grand interprète de musique populaire calabraise) qui gratte sa guitare à quatre cordes, au milieu de la tribu des filous. Dès qu’il lance sa voix rocailleuse et puissante, c’est soudain une bouffée de réminiscences, un souffle d’images venues de Fellini et d’épopées plus anciennes, qui remontent à la surface. Vertige. On est soulevé, transporté ailleurs, très loin, à travers les siècles passés. — Jacques Morice :t1: CONTRE Derrière son éloge des gens de peu et ses moyens en apparence minimalistes, le « cinema povera » d’Alice Rohrwacher fait ostentation de sa pauvreté. Avec une prétention intellectuelle redoutable dans les dialogues… Ça ne s’arrange pas dans La Chimère qui, durant cent trente minutes interminables, part dans toutes les directions (manifeste pour les communautés alternatives en général et féminines en particulier, histoire d’amour, comédie néoréaliste, tragédie musicale…) sans en approfondir aucune, avec des afféteries de mise en scène au mieux gadgets, au pire pénibles. Dans son précédent long métrage, l’allégorique Heureux comme Lazarro, la réalisatrice et sa poésie de pacotille marchaient avec maladresse dans les pas de Pasolini. L’imaginaire in fine corseté de La Chimère et ses personnages de cour des miracles bien sage, ressemblent, eux, un ersatz végan de Fellini : terne, fade, et, surtout, terriblement désincarné. — Samuel Douhaire

Année : 2023

Avec : Alba Rohrwacher, Chikovani Luca, Duarte Carol, Gian Piero Capretto, Giuliano Mantovani, Isabella Rossellini, Josh O'Connor, Lou Roy-Lecollinet, Melchiorre Pala, Ramona Fiorini, Vincenzo Nemolato, Yle Vianello

Vendredi dernier
 

La chimère

Télévision : 31 janvier à 03:35-05:42 sur Canal +

film : comédie dramatique

Années 1980, en Toscane. Tout juste sorti de prison, Arthur se rend dans un village situé en bord de mer Tyrrhénienne où l'attendent avec impatience ses amis, tous membres d'un groupe de pilleurs de sépultures antiques. D'origine anglaise, ce jeune passionné d'archéologie possède le pouvoir de sentir le vide, un don qu'il met au service de ses copains qui sont, contrairement à lui, uniquement guidés par l'appât du gain. Alors que la petite bande tente de découvrir de nouveaux artéfacts en échappant aussi bien aux regards indiscrets qu'aux forces de l'ordre qui les traquent, Arthur semble, de son côté, avoir d'autres priorités... - Critique : :t3: POUR « As-tu remarqué que le soleil nous suit ? » demande la nymphe, en s’adressant à la caméra. Elle est lumineuse. Épaules dénudées, elle porte une robe tricotée multicolore, qui perd un fil, un long fil enfoui dans la terre. Où est-on ? À l’intérieur du rêve d’Arthur, soudain réveillé par un contrôleur de train, dans une région reculée d’Italie. Costume blanc crème défraîchi, mal rasé, Arthur (Josh O’Connor, magnétique, fragile et viril) a la mine farouche et le regard triste d’un étranger soucieux, apte à intriguer et séduire les trois jeunes femmes du compartiment. Qui est donc ce bel inconnu capable de leur faire timidement des compliments insolites sur leur profil de tableau antique ? Un voyageur anglais parlant un peu l’italien, un bandit rêveur, un amoureux hanté, un romantique qui poursuit sa chimère. En quelques séquences, on retrouve cette magie à l’image qui n’appartient qu’à la réalisatrice d’Heureux comme Lazzaro. Cet art brut et artisanal, un « arte povera » capable de célébrer d’un seul tenant paysages et « pouilleux », marginaux et bohémiens, en croisant réalité et mythes de l’Italie. De retour dans son village au bord de la mer Tyrrhénienne, Arthur rejoint sa bande de tombaroli, des pilleurs de tombes étrusques. De nuit comme de jour, ces contrebandiers de l’archéologie creusent la terre pour dénicher des trésors vieux de plus de deux mille ans. Sans être leur chef, trop pur pour cela, Arthur les aide grâce à son don. Mi-voyant mi-sourcier, il peut localiser les endroits où sont enfouis les vestiges. Au risque de s’évanouir. Un imaginaire aussi sensible que profond Le caractère de profanation de ces vols n’est pas effacé. Mais il est estompé par le regard plein d’empathie de la réalisatrice, qui donne à ces brigands des années 1980 des allures de pieds nickelés joyeux, d’idiots savants. On baigne ici dans un univers tragi-comique aux couleurs patinées, qui obéit à un travail plastique résolu. Une sorte d’archéologie mise en images, où se superposent plusieurs couches de réalité, où se chevauchent documentaire et fiction, passé et présent, de manière très physique, révélant empreintes, textures, détails tactiles. À commencer par ces objets étrusques déterrés, merveilles qui passent fugitivement de main en main dans l’obscurité des souterrains et qui sont mis en valeur, jusqu’à leur nom mystérieux (lécythe, kylix). Mêlant profane et sacré, la poésie se niche ici partout : dans l’art étrusque comme dans le rebut, la saleté, les trognes, les bicoques de fortune, les lieux désaffectés. Entre les vivants et les morts, Arthur erre dans ce monde, sans vraiment trouver sa place. Il n’y a que les femmes pour le protéger et l’aimer. Une vieille dame, très digne dans sa folie, à la tête d’une vaste demeure délabrée (Isabella Rossellini) ; une jeune mère aussi gracieuse que clownesque (Carol Duarte, éclatante de fraîcheur) ; et le fantôme de la nymphe… Mais plus l’idéaliste sans-le-sou avance, plus on le sent en danger. Sa destinée est tragique mais contrebalancée par toutes sortes de festivités, de l’animation dans les péripéties (les images en accéléré, comme dans les films muets), de l’envolée musicale. Ce qui frappe, c’est la capacité d’Alice Rohrwacher à alimenter sans cesse de l’imaginaire en pagaille, aussi sensible que profond, avec des éléments rudimentaires. À l’exemple de ces intermèdes en chansons produits par un barde fascinant (Valentino Santagati, grand interprète de musique populaire calabraise) qui gratte sa guitare à quatre cordes, au milieu de la tribu des filous. Dès qu’il lance sa voix rocailleuse et puissante, c’est soudain une bouffée de réminiscences, un souffle d’images venues de Fellini et d’épopées plus anciennes, qui remontent à la surface. Vertige. On est soulevé, transporté ailleurs, très loin, à travers les siècles passés. — Jacques Morice :t1: CONTRE Derrière son éloge des gens de peu et ses moyens en apparence minimalistes, le « cinema povera » d’Alice Rohrwacher fait ostentation de sa pauvreté. Avec une prétention intellectuelle redoutable dans les dialogues… Ça ne s’arrange pas dans La Chimère qui, durant cent trente minutes interminables, part dans toutes les directions (manifeste pour les communautés alternatives en général et féminines en particulier, histoire d’amour, comédie néoréaliste, tragédie musicale…) sans en approfondir aucune, avec des afféteries de mise en scène au mieux gadgets, au pire pénibles. Dans son précédent long métrage, l’allégorique Heureux comme Lazarro, la réalisatrice et sa poésie de pacotille marchaient avec maladresse dans les pas de Pasolini. L’imaginaire in fine corseté de La Chimère et ses personnages de cour des miracles bien sage, ressemblent, eux, un ersatz végan de Fellini : terne, fade, et, surtout, terriblement désincarné. — Samuel Douhaire

Année : 2023

Avec : Alba Rohrwacher, Chikovani Luca, Duarte Carol, Gian Piero Capretto, Giuliano Mantovani, Isabella Rossellini, Josh O'Connor, Lou Roy-Lecollinet, Melchiorre Pala, Ramona Fiorini, Vincenzo Nemolato, Yle Vianello