Charlie Vauselle : passages TV et dernières sorties DVD/Blu-ray

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Antérieurement en 2024
 

L'Ile rouge

Télévision : 14 mai à 08:17-10:10 sur Canal +

film : drame

Dans les années 70, quelques familles vivent encore à Ivato, la dernière base militaire française à Madagascar, maintenue après l'indépendance du pays. Parmi eux, Thomas, 10 ans, découvre le monde. Ce fan de l'héroïne de romans pour enfants "Fantômette" remarque la virilité à l'oeuvre dans le camp mais aussi la violence dont est parfois victime sa propre mère. Il s'aperçoit aussi de la différence de contexte entre les blancs du camp et la population noire locale. Thomas s'assigne alors une mission : parvenir à créer un lien entre ces deux mondes. - Critique : Le titre de ce quatrième long métrage de Robin Campillo pourrait être celui d’un roman d’aventures jeunesse aux pages un peu jaunies. Un exemplaire de la Bibliothèque verte avec des pirates, du sable, une malle au trésor. Mais c’est avec la Bibliothèque rose que le film commence, car Thomas, 8 ans, dévore les aventures de Fantômette, l’adolescente intrépide qui rigole à la barbe des gangsters. Caché dans une grande caisse de déménagement restée posée au fond du jardin, il s’en raconte des passages à mi-voix avec son délicieux petit cheveu sur la langue. Nous sommes à hauteur d’enfant et le réalisateur nous informe, par une image magnifique, que nous allons y rester : à travers les interstices de la caisse en bois, il filme les yeux du garçonnet qui regardent, scrutent les adultes – plan large sur un avant-bras au soleil, plan serré sur maman qui passe, en souriant. Des yeux qui dévorent le moindre détail, engrangent les souvenirs, comme on enrichit une collection de cartes postales. Bienvenue au « paradis » : Madagascar entre 1970 et 1972, sur la base militaire 181. La République malgache est indépendante depuis 1960, mais le père de Thomas, sous-officier, et ses collègues militaires sont toujours là, pour imposer encore un peu la présence française dans l’océan Indien. Drôle de présence, joyeuse pour eux, mais déjà spectrale, le début de la fin des colonies. Les expatriés, ravis de l’être, déjeunent dans le jardin entre amis : Colette, la mère, s’affaire autour de la table, planant un peu au-dessus du machisme ordinaire de son mari, qui ne traite pas Thomas comme ses grands frères : « Arrête de faire ta danseuse », dit-il avec son accent espagnol, alors qu’un de ses subordonnés, verbe haut et ballon de rouge à la main, souhaite la bienvenue à la fiancée d’un jeune soldat fraîchement muté de Metz : « Vous verrez, mon enfant, vous ne serez pas dépaysée ici, vous serez comme dans un cocon. Un vrai petit village gaulois plein d’amour et de… kérosène. » Et quand son épouse gironde (formidable Sophie Guillemin) lance « Moi, j’adore l’odeur du kérosène ! », on croirait entendre une version languide, sucrée, du « J’aime l’odeur du napalm au petit matin », dans Apocalypse Now, de Coppola. Un autre jour, ou plutôt un soir, ces couples que les circonstances coloniales poussent à une intimité presque forcée danseront ; et les hommes feront les coqs, serrant de trop près les épouses des autres, étrangers à la notion même de consentement. À travers la vitre dépolie de la porte du salon, le petit Thomas, qui ne dort pas, ne perd pas une miette de ces silhouettes floues, qui ondulent dans une couleur ocre. Puis c’est dans les yeux bleus de sa mère un peu ivre qu’il plongera son regard : scène de complicité sublime, de lucidité quasiment surnaturelle entre une femme qui peine à cacher sa mélancolie et un enfant, qui, déjà, s’exprime comme un futur cinéaste. On pourrait, ainsi, décrire chaque scène, tenter d’en reproduire la matière romanesque, la teinte si précise de nostalgie, car L’île rouge n’avance pas à la manière d’une narration classique : il procède par échos, par analogies sensorielles – un œil de bébé crocodile s’ouvre comme un obturateur sur une plage, une table en aragonite devient une vue aérienne sur les champs de Madagascar, et, héroïne d’un film dans le film, Fantômette prend chair pour démasquer les méchants. Robin Campillo use de la mise en scène comme d’un philtre magique : il trouve la texture exacte du souvenir, ses particules, sa vibration. Et le moindre petit gravier sous les talons des femmes bien habillées qui entrent dans le mess des officiers devient une image absolue de cinéma. La violence, coloniale ou masculiniste, est partout, derrière chaque paysage de rêve. Même s’il ne la comprend pas, le petit Thomas l’enregistre, à la manière d’un sismographe : le curé militaire de la base pratique ainsi un exorcisme sur un jeune soldat qui a eu malheur de tomber amoureux d’une Malgache – il est donc, forcément, « possédé » par le diable. La petite Suzanne, copine de Thomas, lui confie, en murmurant, avoir vu le pauvre garçon tomber, assommé de chagrin, rompu par sa hiérarchie. Les enfants voient tout, alors que personne ne les voit. Ils se demandent pourquoi il faut quitter le « paradis », quand maman dit d’un air las « C’est fini. » Car cette île est aussi celle de la dérive d’un couple vers la séparation, l’histoire, en creux, d’un futur divorce. Tout prend fin : le joug de la France sur Madagascar, le joug de Robert sur Colette. Avant d’achever son film sur un message d’indépendance politique sans ambiguïté,Robin Campillo filme un slow qui tourne mal entre un soldat et une Malgache, comme une dernière métaphore de l’emprise. Parallèlement, la dernière touche de l’hommage bouleversant à la mère consiste à suggérer qu’elle aussi sera bientôt libérée. Dans ce rôle, Nadia Tereszkiewicz est littéralement fascinante : mère au foyer aux allures d’Emma Bovary en tee-shirt éponge des années 70, présente mais déjà loin, regard azur qui semble tout comprendre de la bêtise des hommes, mais qui accepte, avec une mystérieuse douceur, qu’un petit garçon puisse vouloir se déguiser en Fantômette… Avec ce film proustien, le réalisateur de 120 Battements par minute livre une magnétique et universellle histoire d’émancipation. Et un récit initiatique des plus délicats sur la naissance d’un œil de cinéma.

Année : 2023

Avec : Amely Rakotoarimalala, Cathy Pham, Charlie Vauselle, David Serero, Hugues Delamarliere, Luna Carpiaux, Mathis Piberne, Mitia Ralaivita, Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutiérrez, Sacha Cosar-Accaoui, Sophie Guillemin

Antérieurement en 2024
 

L'Ile rouge

Télévision : 14 février à 01:59-03:53 sur Canal +

film : drame

Dans les années 70, quelques familles vivent encore à Ivato, la dernière base militaire française à Madagascar, maintenue après l'indépendance du pays. Parmi eux, Thomas, 10 ans, découvre le monde. Ce fan de l'héroïne de romans pour enfants "Fantômette" remarque la virilité à l'oeuvre dans le camp mais aussi la violence dont est parfois victime sa propre mère. Il s'aperçoit aussi de la différence de contexte entre les blancs du camp et la population noire locale. Thomas s'assigne alors une mission : parvenir à créer un lien entre ces deux mondes. - Critique : Le titre de ce quatrième long métrage de Robin Campillo pourrait être celui d’un roman d’aventures jeunesse aux pages un peu jaunies. Un exemplaire de la Bibliothèque verte avec des pirates, du sable, une malle au trésor. Mais c’est avec la Bibliothèque rose que le film commence, car Thomas, 8 ans, dévore les aventures de Fantômette, l’adolescente intrépide qui rigole à la barbe des gangsters. Caché dans une grande caisse de déménagement restée posée au fond du jardin, il s’en raconte des passages à mi-voix avec son délicieux petit cheveu sur la langue. Nous sommes à hauteur d’enfant et le réalisateur nous informe, par une image magnifique, que nous allons y rester : à travers les interstices de la caisse en bois, il filme les yeux du garçonnet qui regardent, scrutent les adultes – plan large sur un avant-bras au soleil, plan serré sur maman qui passe, en souriant. Des yeux qui dévorent le moindre détail, engrangent les souvenirs, comme on enrichit une collection de cartes postales. Bienvenue au « paradis » : Madagascar entre 1970 et 1972, sur la base militaire 181. La République malgache est indépendante depuis 1960, mais le père de Thomas, sous-officier, et ses collègues militaires sont toujours là, pour imposer encore un peu la présence française dans l’océan Indien. Drôle de présence, joyeuse pour eux, mais déjà spectrale, le début de la fin des colonies. Les expatriés, ravis de l’être, déjeunent dans le jardin entre amis : Colette, la mère, s’affaire autour de la table, planant un peu au-dessus du machisme ordinaire de son mari, qui ne traite pas Thomas comme ses grands frères : « Arrête de faire ta danseuse », dit-il avec son accent espagnol, alors qu’un de ses subordonnés, verbe haut et ballon de rouge à la main, souhaite la bienvenue à la fiancée d’un jeune soldat fraîchement muté de Metz : « Vous verrez, mon enfant, vous ne serez pas dépaysée ici, vous serez comme dans un cocon. Un vrai petit village gaulois plein d’amour et de… kérosène. » Et quand son épouse gironde (formidable Sophie Guillemin) lance « Moi, j’adore l’odeur du kérosène ! », on croirait entendre une version languide, sucrée, du « J’aime l’odeur du napalm au petit matin », dans Apocalypse Now, de Coppola. Un autre jour, ou plutôt un soir, ces couples que les circonstances coloniales poussent à une intimité presque forcée danseront ; et les hommes feront les coqs, serrant de trop près les épouses des autres, étrangers à la notion même de consentement. À travers la vitre dépolie de la porte du salon, le petit Thomas, qui ne dort pas, ne perd pas une miette de ces silhouettes floues, qui ondulent dans une couleur ocre. Puis c’est dans les yeux bleus de sa mère un peu ivre qu’il plongera son regard : scène de complicité sublime, de lucidité quasiment surnaturelle entre une femme qui peine à cacher sa mélancolie et un enfant, qui, déjà, s’exprime comme un futur cinéaste. On pourrait, ainsi, décrire chaque scène, tenter d’en reproduire la matière romanesque, la teinte si précise de nostalgie, car L’île rouge n’avance pas à la manière d’une narration classique : il procède par échos, par analogies sensorielles – un œil de bébé crocodile s’ouvre comme un obturateur sur une plage, une table en aragonite devient une vue aérienne sur les champs de Madagascar, et, héroïne d’un film dans le film, Fantômette prend chair pour démasquer les méchants. Robin Campillo use de la mise en scène comme d’un philtre magique : il trouve la texture exacte du souvenir, ses particules, sa vibration. Et le moindre petit gravier sous les talons des femmes bien habillées qui entrent dans le mess des officiers devient une image absolue de cinéma. La violence, coloniale ou masculiniste, est partout, derrière chaque paysage de rêve. Même s’il ne la comprend pas, le petit Thomas l’enregistre, à la manière d’un sismographe : le curé militaire de la base pratique ainsi un exorcisme sur un jeune soldat qui a eu malheur de tomber amoureux d’une Malgache – il est donc, forcément, « possédé » par le diable. La petite Suzanne, copine de Thomas, lui confie, en murmurant, avoir vu le pauvre garçon tomber, assommé de chagrin, rompu par sa hiérarchie. Les enfants voient tout, alors que personne ne les voit. Ils se demandent pourquoi il faut quitter le « paradis », quand maman dit d’un air las « C’est fini. » Car cette île est aussi celle de la dérive d’un couple vers la séparation, l’histoire, en creux, d’un futur divorce. Tout prend fin : le joug de la France sur Madagascar, le joug de Robert sur Colette. Avant d’achever son film sur un message d’indépendance politique sans ambiguïté,Robin Campillo filme un slow qui tourne mal entre un soldat et une Malgache, comme une dernière métaphore de l’emprise. Parallèlement, la dernière touche de l’hommage bouleversant à la mère consiste à suggérer qu’elle aussi sera bientôt libérée. Dans ce rôle, Nadia Tereszkiewicz est littéralement fascinante : mère au foyer aux allures d’Emma Bovary en tee-shirt éponge des années 70, présente mais déjà loin, regard azur qui semble tout comprendre de la bêtise des hommes, mais qui accepte, avec une mystérieuse douceur, qu’un petit garçon puisse vouloir se déguiser en Fantômette… Avec ce film proustien, le réalisateur de 120 Battements par minute livre une magnétique et universellle histoire d’émancipation. Et un récit initiatique des plus délicats sur la naissance d’un œil de cinéma. La part belle de l’autreChez Robin Campillo, tout tourne autour de la question de l’autre. Dès son premier film, Les Revenants (2004), le cinéaste mettait en scène comme des étrangers des morts revenus dans ce monde mais ne trouvant plus leur place parmi les vivants. Puis, avec Eastern Boys, l’altérité s’incarnait en un jeune garçon sans papiers venu de l’Est, qui envahissait la vie d’un homme de 50 ans. Enfin, dans 120 Battements par minute (2017), alors que le sida rongeait les corps, l’association Act Up luttait pour que les malades restent nos semblables… L’enfant de L’Île rouge n’est rien d’autre, lui aussi, qu’un petit étranger au pays des adultes.

Année : 2023

Avec : Amely Rakotoarimalala, Cathy Pham, Charlie Vauselle, David Serero, Hugues Delamarliere, Luna Carpiaux, Mathis Piberne, Mitia Ralaivita, Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutiérrez, Sacha Cosar-Accaoui, Sophie Guillemin

Antérieurement en 2023
 

L'Île rouge - Blu-ray

DVD/Blu-ray : 21 novembre 2023

Editeur : Memento Films

Année : 2023

De : Robin Campillo

Avec : Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutiérrez, Charlie Vauselle, Amely Rakotoarimalala, Hugues Delamarlière, Sophie Guillemin, David Serero, Luna Carpiaux

Antérieurement en 2023
 

L'Île rouge - DVD

DVD/Blu-ray : 21 novembre 2023

Editeur : Memento Films

Année : 2023

De : Robin Campillo

Avec : Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutiérrez, Charlie Vauselle, Amely Rakotoarimalala, Hugues Delamarlière, Sophie Guillemin, David Serero, Luna Carpiaux

Antérieurement en 2023
 

L'Île rouge

Cinéma : 31 mai 2023

Année : 2023

De : Robin Campillo

Avec : Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutiérrez, Charlie Vauselle, Amely Rakotoarimalala