Télévision : 8 janvier à 22:35-00:20 sur Arte

film documentaire

Secondé par des internes, le docteur Jamal Abdel-Kader court chaque jour entre les différents services de l'hôpital Beaujon de Clichy, des urgences à la réanimation en passant par la gastro-entérologie et la gynécologie obstétrique. Porté par ses convictions, ce psychiatre d'origine syrienne s'efforce d'apaiser les souffrances de ses patients en créant les conditions d'un véritable échange, y compris avec leurs proches. Il y a là Aliénor, percutée par un train et multiamputée ; Vincent, en proie à des phobies d'impulsion, qui redoute les fenêtres ouvertes ; Windy, un jeune patient atteint de pancréatite, éprouvé par la solitude et d'intenses douleurs physiques. - Critique : « Mobile », c’est le terme qui est accolé à sa fonction de psychiatre à l’hôpital Beaujon, à Clichy, aux portes de Paris. Et Jamal Abdel-Kader l’est, mobile : inlassablement, il arpente les couloirs labyrinthiques, monte et descend les escaliers, passe d’un service à l’autre, d’une détresse à l’autre. La prise en charge, ici, se résume à lui et à une poignée d’internes. La caméra ne lâche pas d’une semelle ce grand trentenaire en perpétuelle cogitation sur l’état de ses malades et sur la meilleure façon de les aider. Extirpé de sa solitude, le médecin n’en finit pas de parler en marchant. De ses affinités naturelles avec ceux qu’il appelle les fous, de la place peu enviable que leur réserve la société, de sa pratique fâchée avec les conventions. Et de ce système qui déshumanise la relation entre patients et soignants, et transforme son travail en course de fond… Jamal Abdel-Kader sait pourtant arrêter le temps, lorsqu’il écoute un être en souffrance. Il cherche à comprendre son histoire avant de penser à remplir une ordonnance, choisit les mots qui apaisent. Rencontres suspendues que Nicolas Peduzzi (Ghost Song), dont on connaît le goût pour les marges et le sens narratif proche de la fiction, capte comme des îlots d’humanité, au milieu de la tempête. État limite est un film qui happe, riche de l’énergie et de la mélancolie de son personnage. L’état de délabrement de l’hôpital public suffirait à nourrir nombre de documentaires à thèse accablants, il s’incarne ici dans un engagement qui vacille. Le jeune médecin finit par marcher « comme un vieillard », son dos le fait souffrir. Le découragement s’installe. Tout est dit.

Année : 2023