Télévision : vendredi 22 novembre à 20:55-22:45 sur Arte

film : drame

Vienne, à l'aube de Noël 1877. Épouse de l'empereur François-Joseph Ier, Sissi fête en grandes pompes son quarantième anniversaire. Mais l'impératrice ne trouve pas la force de sourire. En effet, lasse des protocoles auxquels elle doit sans cesse se plier, Sissi souffre et n'hésite pas à exprimer son profond mal-être à un époux bien peu à l'écoute. Ce dernier ne se prive d'ailleurs pas de fermement la recadrer à la moindre occasion. Pour Sissi, ces remontrances permanentes deviennent insupportables et finissent par provoquer un vif désir d'émancipation. Désormais, elle va vivre son existence selon ses propres principes et codes... - Critique : Un jour, Sissi a eu 40 ans. Corsage raconte ce début de la fin, soit quelques mois dans la vie de l’impératrice d’Autriche, en 1877, avant qu’elle ne s’éclipse volontairement — dans le scénario, du moins, qui prend des libertés radicales avec les faits. Le film, en effet, n’émarge pas vraiment au genre du biopic, s’apparentant plutôt à un récit d’émancipation fantasmé à l’aune du féminisme contemporain. On doute que la souveraine ait jamais quitté un dîner officiel en faisant un doigt d’honneur ou traité le valet de son époux de « gros connard »… Mais si Quentin Tarantino peut tuer Hitler dans Inglourious Basterds (2009) ou sauver Sharon Tate dans Once Upon a Time… in Hollywood (2019), l’Autrichienne Marie Kreutzer a le droit, elle aussi, de réécrire l’histoire par la magie du cinéma. Elle le fait littéralement, en imaginant une rencontre, a priori fictive, entre Sissi et un pionnier du cinématographe, Louis Le Prince (Finnegan Oldfield), qui lui propose de la filmer. « Je peux dire ce que je veux tant que je souris ? » s’étonne l’intéressée, prélude à une amusante séquence muette où la captive — de son genre et de son statut — se lâche comme jamais. Car sous le titre Corsage, c’est d’une existence absolument corsetée qu’il s’agit. Invisibilisée et scrutée Soumise à des diktats insoutenables de minceur, de pondération, de respectabilité, Élisabeth étouffe dans ses vêtements, sous sa tonne de cheveux, dans son rôle de représentation. L’autrice insiste sur ses repas — une louche de potage transparent, deux tranches d’orange fines comme du papier à cigarette… —, les séances d’habillement qui virent à la torture, sa pratique obsessionnelle du sport, détails fameux qui viennent se frotter à d’audacieuses inventions et à des décors parfois anachroniques (gymnase aux murs écaillés, interrupteurs électriques, téléphone…), produisant des étincelles de présent dans ces images d’une impressionnante beauté glacée. Aux antipodes de la Sissi à la guimauve d’Ernst Marischka, qui révéla (et encagea un temps) la juvénile Romy Schneider en 1955, cette chronique étrange, sorte de rêverie languide et vengeresse, offre un rôle très physique à l’éblouissante Vicky Krieps, récompensée dans la section Un certain regard de Cannes, en 2022. L’actrice luxembourgeoise campe une femme à la fois invisibilisée et scrutée, au centre de tous les regards mais s’y dérobant sans cesse — voilée, voire remplacée par une doublure — et réussit à susciter tout autant l’antipathie que l’empathie. Reste l’issue du film… La vraie Élisabeth est morte en 1898, assassinée par un anarchiste. Celle-ci a droit à une libération anticipée, dont on dira seulement qu’elle laisse un goût amer. On n’est pas chez Tarantino.

Année : 2022

Avec : Aaron Friesz, Alma Hasun, Colin Morgan, Finnegan Oldfield, Florian Teichtmeister, Jeanne Werner, Katharina Lorenz, Lengyel Tamás, Lilly Marie, Rosa Hajjaj, Rubey Manuel, Vicky Krieps