Télévision : 10 juin à 01:08-02:43 sur Canal +
film : comédie dramatique
Face à l'attention croissante dont fait l'objet Thomas, son petit ami artiste, Signe ressent de la jalousie et cherche à détourner un peu de cette attention vers elle. La popularité de Thomas atteint son apogée lorsqu'il se voit offrir d'exposer ses sculptures. Anéantie, Signe décide de susciter la sympathie de son entourage par un moyen radical. Après être tombé sur un article mentionnant un médicament russe retiré de la vente parce qu'il provoque des maladies de peau, elle décide de s'en procurer. Mais elle est prise à son propre jeu lorsqu'elle ressent les effets néfastes du médicament... - Critique : Elle se prénomme Signe, et rêve d’imposer sa signature. Serveuse dans un café, elle cherche à exister par n’importe quel moyen, à briller, à se construire un récit, alors que son petit ami, Thomas, lui, pérore sur sa prochaine (petite) exposition d’art contemporain. Un jour, une occasion se présente : une cliente du café, salement mordue par un chien, saigne dans les bras et sur la blouse de Signe, qui s’empare immédiatement de ce statut de « sauveuse ». Elle a trouvé un rôle, alors elle raconte, encore et encore, cet épisode « traumatisant » jusqu’à ce que Thomas reprenne la vedette. Alors, la jeune femme fait semblant de s’étouffer dans le dîner branché donné en l’honneur de son compagnon, qui n’a même pas pris la peine de la présenter. Être malade, bon sang mais c’est bien sûr, voilà ce qui, faute de talent particulier, peut attirer l’attention et l’empathie d’un public. Signe décide de se faire du mal. Ou comment se défigurer pour se rendre visible… Cette pépite norvégienne sort, enfin, sur les écrans, un an après sa présentation à Un certain regard, au Festival de Cannes 20022. Sick of Myself – formidable titre, à traduire par « malade de moi-même », comme un empoisonnement égotique – est un film violemment contemporain sur une société malade de narcissisme. Sorte de petit frère de Ruben Östlund, mais à la cruauté moins opératique et plus chirurgicale, Kristoffer Borgli débute ce jeu de massacre par une scène de restaurant qui n’est pas sans rappeler celle de Sans filtre : un combat d’ego autour d’une bouteille de vin hors de prix et d’un gâteau commandés par Thomas pour l’anniversaire de Signe, qui ne cesse de répéter, comme un souhait, « tout le monde me regarde », alors que le maître d’hôtel ne remarque même pas quand elle quitte la table… Phrases assassines, humiliations à bas bruit et à répétition, puisque, pour émerger, il faut enfoncer l’autre : de Bergman à Thomas Vinterberg, l’école scandinave a décidément l’art de faire du couple un précipité de toutes les bassesses. Mais c’est surtout le personnage de Signe qui s’impose comme une figure féminine neuve, assumée comme antipathique, une âme vide, victime de sa mythomanie, cherchant jusqu’au sang des pouces levés et des likes comme dans la pire des dystopies. Sous les traits de plus en plus desquamés de cette blonde inédite à l’écran, Kristine Kujath Thorp est éblouissante de folie fade, et son jeu devient fascinant alors même que son visage disparaît entièrement sous des bandages tel celui d’une momie, poupée horrifique avec lunettes de soleil roses, très lointaine cousine de l’héroïne des Yeux sans visage de Franju. Plus son visage fond, plus le film prend des allures d’installation pop, ultra-acide : Kristoffer Borgli capte la maladie du nouveau siècle, cette obsession de soi qui dissout les êtres.
Année : 2022
Avec : Anders Danielsen, Andrea Bræin, Eirik Saether, Fanny Vaager, Fredrik Stenberg Ditlev-Simonsen, Frida Natland, Guri Hagen Glans, Henrik Mestad, Ingrid Vollan, Kristine Thorp, Sarah Francesca, Steinar Klouman