Télévision : 10 janvier à 01:18-03:10 sur Canal +
film : drame
Hilary Small, responsable au cinéma Empire de Margate, sur la côte nord du Kent, en Angleterre, lutte depuis des années avec sa bipolarité. Elle tente de soigner sa maladie à coups de médicaments et de séances chez le psychologue. Mais sa solitude lui pèse énormément, bien qu'elle entretienne une liaison avec son directeur. L'arrivée d'un nouveau collègue, Stephen, change tout. Stephen, qui subit quotidiennement le racisme, trouve en Hilary une personne de confiance avec laquelle il peut partager ses joies et ses peines. Ils se rapprochent et tentent de soigner leurs blessures à travers l'amour du cinéma et de la musique... - Critique : Insoupçonnée vertu des confinements : le temps retrouvé pour penser à soi, aux siens, au présent et à l’imparfait. Moments de pause et d’introspection que certains cinéastes, d’ordinaire happés par un engrenage hollywoodien soudain grippé, mirent à profit pour dévoiler des bribes de leur intimité jusque-là farouchement tenue secrète. Après l’autobiographique The Fabelmans, de Steven Spielberg, Sam Mendes signe ainsi son premier scénario original, et originel. Lui qui avait déjà osé révéler les traumas enfantins de James Bond dans Skyfall ravive ici ses propres souvenirs d’adolescent dans un film éminemment proustien sur les vestiges des jours et le pouvoir consolateur du septième art. Le vrai héros d’Empire of Light est une salle de cinéma. Un paquebot Art déco en brique majestueusement décrépit et ancré face à la mer du Nord, sur la promenade de Margate, station balnéaire au nord de Douvres prisée par le peintre Turner pour l’éblouissante blafardise de son ciel. D’infinies nuances de gris que Roger Deakins, le chef opérateur attitré de Mendes (et des frères Coen) sait lui aussi sublimer. En cette année 1980, six personnes, six solitudes, ont trouvé refuge à l’Empire, temple du divertissement déjà en sursis. Sur cette famille recomposée veille un patron paternaliste, qui entretient une liaison abusive avec Hilary (prodigieuse Olivia Colman), sa plus dévouée et consciencieuse employée, vieille fille borderline tellement éteinte qu’elle se contente parfois de la maigre chaleur de ces étreintes non consenties. L’arrivée d’un nouveau factotum dans cette équipe soudée par le cafard vient apporter un soupçon de gaieté… et de couleur. Il s’appelle Stephen, la vingtaine, beau comme un dieu. Il est Noir. Ce qui est loin d’être un détail dans l’Angleterre sinistrée par le chômage, le racisme et la rigueur de Margaret Thatcher. Entre Stephen et Hilary, une idylle naît, d’une délicate évidence. Même s’il a l’âge de la fuite et elle, celui du déjà-vu, comme dans une chanson d’Anne Sylvestre. Déraison et sentiments. Ils se retrouvent pour faire l’amour dans la partie désaffectée du cinéma, une immense salle de bal envahie de pigeons et de poussière où trône toujours un piano à queue réduit au silence, fantôme d’un lustre perdu que le réalisateur convoque sans nostalgie. Il sera paradoxalement très peu question de cinéphilie dans ce film qui sacralise la salle, mais pas les auteurs. Hormis le vieux projectionniste dont la cabine est tapissée de photos de stars, les employés parlent plus volontiers du dernier vinyle des Specials et autres pépites punk du label 2 Tone Records que des films à l’affiche, dont on aperçoit furtivement les titres sur la devanture de néon (Raging Bull, Les Chariots de feu, The Blues Brothers…) sans que jamais la caméra ne s’immisce à l’intérieur de la salle pendant la projection. À une bouleversante exception près. Le cœur à marée basse, une fois de plus, Hilary décide de s’abandonner, enfin, aux sortilèges du grand écran. Ivresse immédiate. L’empire de la lumière n’a pas de frontières.
Année : 2022
Avec : Colin Firth, Crystal Clarke, Hannah Onslow, Jamie Whitlow, Justin Edwards, Micheal Ward, Monica Dolan, Olivia Colman, Ron Cook, Sara Stewart, Scarlett Mackmin, Toby Jones, Tom Brooke