Télévision : 26 avril 2018 à 23:10-00:40 sur Arte

documentaire : société

Un impala pour 245 euros, un gnou pour 625 euros ou un éland du Cap pour 1 700 euros : dans la réserve de Namibie où séjournent de riches touristes allemands et autrichiens, les proies se choisissent sur catalogue, et le business du safari exhale de forts relents néocolonialistes. Fidèle à son style, le cinéaste Ulrich Seidl souligne l'incongruité scandaleuse du passe-temps des «touristes en milieu naturel». Critique : Plus un sujet est tabou, plus Ulrich Seidl l’aborde avec aplomb. Après le tourisme sexuel pratiqué par les femmes (Paradis : Amour), l’univers peu rassurant des caves autrichiennes (Sous-sols), le voici dans la savane, sur les traces de chasseurs. La formule célèbre de Cocteau — « Le cinéma, c’est filmer la mort au travail » — aura rarement été si appropriée. En montrant des familles en goguette fusil au poing et des rapports de dominants à dominés datant de l’époque coloniale, Safari fait froid dans le dos. Tandis que les Blancs passent du bon temps, pisteurs et équarrisseurs noirs vivent dans des cabanes de tôle. Croisant document anthropologique et satire ahurissante, le film bouscule, provoque le rire et le malaise. Le réalisateur a filmé des couples, jeunes ou moins jeunes, sur le terrain et dans leur salon, entourés de leurs trophées empaillés. Tous ces chasseurs décontractés évoquent leur safari, comme des vacances ou une « aventure romantique » (sic). Tout semble pourtant hyper balisé, contrôlé et faux — on a l’impression d’être dans un parc d’attractions. Sauf qu’à un moment Seidl ne recule pas devant la violence qui resurgit, à travers l’agonie terrible d’une girafe, animal sacré de l’enfance.

Année : 2016

De : Ulrich Seidl