Télévision : 11 octobre 2017 à 20:55-22:40 sur Arte
film : drame
Deux demi-frères : l'un travaille sur le clonage ; l'autre est en proie à des obsessions érotiques. Le constat terrible du roman d'Houellebecq est adouci par l'empathie que suscitent les comédiens. - Critique : Ne pas s'étonner outre mesure que la deuxième adaptation cinéma d'un roman de Michel Houellebecq vienne d'Allemagne. Le regard féroce de l'écrivain sur l'évolution du genre humain s'applique sans peine à l'une ou l'autre des sociétés développées d'Europe de l'Ouest, traversées des mêmes mouvements collectifs, passés (la contre-culture des années 60) ou présents (le culte du corps et la marchandisation du sexe). Bruno et Michael sont les enfants de l'un et les cobayes de l'autre : leur mère hippie les a négligés toute leur enfance, trop occupée à courir les ashrams en Inde, et chacun doit se débrouiller dans le monde d'aujourd'hui à partir de cette solitude fondatrice. Michael est chercheur en génétique, avec pour ambition ultime de séparer la reproduction de la sexualité. Bruno, lui, n'en est pas tout à fait là : ses obsessions érotiques, et la frustration qui découle de leur inassouvissement, conduisent peu à peu ce prof de lettres anarcho-nihiliste (simplement très lucide, dirait sans doute Houellebecq) vers la folie. Ce sont ses mésaventures tragi-cocasses (et pas aussi vulgaires que le suggère une bande-annonce sensationnaliste) que le film suit en priorité : flash-back haut en couleur sur une enfance tourmentée, visite mouvementée d'un camp de naturistes (l'espace d'une séquence de massage, on est à deux doigts des Bronzés), puis bonheur provisoire trouvé dans la fréquentation des clubs échangistes. L'écrivain Houellebecq a le souci du récit : les multiples péripéties sont directement tirées du livre, et leur ironie évidente se teinte peu à peu d'une amertume très noire. Le corps, voilà l'ennemi : objet de fantasme ou de dégoût, lieu des pulsions asservissant l'esprit, et surtout machine imparfaite, condamnée à dépérir. Un cadavre dont il faut déplacer la sépulture, une maladie dégénérative incurable, tout ici rappelle que l'humain est périssable... L'incarnation forte apportée par les comédiens — et surtout l'attachant Moritz Bleibtreu dans le rôle du très tourmenté Bruno — atténue peu à peu la désespérance de ce qui nous est montré. La survie est impossible — en tout cas jusqu'à la prochaine mutation, comme celle imaginée dans La Possibilité d'une île — mais les sentiments peuvent être un refuge face à ce cruel constat. Michel Houellebecq en écrivain romantique ? Pour rendre son film un peu respirable, le réalisateur Oskar Roehler accepte de croire davantage en l'humain que le romancier dont il s'inspire... Aurélien Ferenczi
Année : 2006
De : Oskar Roehler
Avec : Moritz Bleibtreu, Michael Gwisdek, Tom Schilling, Thomas Drechsel, Christian Ulmen, Martina Gedeck, Franka Potente, Nina Hoss, Uwe Ochsenknecht, Corinna Harfouch, Ulrike Kriener, Jasmin Tabatabai