Télévision : jeudi 21 novembre à 23:15-01:55 sur Arte
film : drame
Un haut-commissaire de la République française, monsieur De Roller, se rend sur l'île de Tahiti afin de prendre la température auprès de la population. En effet, ces dernières semaines, un sous-marin aurait été aperçu dans les eaux territoriales, ce qui a entraîné chez les habitants la crainte de la reprise des essais nucléaires français, interrompus en 1996. De Roller, homme affable, un brin paternaliste et surtout dépassé par la situation, constate que la colère gronde. Il tente de rassurer les Tahitiens afin d'éviter le scénario catastrophe d'une révolte... - Critique : C’est d’abord une rencontre fabuleuse entre un acteur et un personnage : dans le rôle du haut-commissaire de la République (l’équivalent d’un préfet) à Tahiti, en Polynésie française, Benoît Magimel livre sa plus puissante interprétation. Transpirant dans son costume blanc et sous ses verres de lunettes bleutés, le représentant de l’État passe de groupe en groupe et d’une corporation à l’autre, avec un petit mot ou un grand discours pour chacun. Volubile, tactile, fumeux, chaleureux, malheureux, il fraternise avec les opposants, les surfeurs, les artistes, les invités de marque… Sa logorrhée paraît tour à tour sincère et d’un clientélisme écœurant, tantôt inspirée et tantôt d’une bêtise abyssale. Il est à la fois tous les hommes politiques du monde et un spécimen unique. On ne se lasse jamais de cet incroyable numéro (du protagoniste et du comédien, improvisant en partie), qui se décline aux quatre coins de l’île, et jusque sur l’eau, à flanc de vague spectaculaire. Une autre trouvaille troublante du cinéaste catalan Albert Serra (La Mort de Louis XIV) est la menace d’une reprise des essais nucléaires par l’armée française dans la région — en réalité, les derniers datent de 1996, sous Jacques Chirac, et leur nocivité durable a été dénoncée avec constance depuis. L’hypothèse provoque chez les spectateurs encore plus d’effroi, par ces temps de guerre, qu’elle n’aurait dû le faire quand le film a été conçu et tourné. Mais dans le cinéma éminemment mental du réalisateur, royaume de l’indécidable, la reprise de tels essais reste une menace fantôme, nocturne, subaquatique. Qui devient néanmoins l’obsession et le cauchemar du haut-commissaire au costume de lin. Pris entre deux feux, il craint d’être trahi, instrumentalisé par le gouvernement français, et il redoute une mutinerie locale, alors que la rumeur se répand, et qu’un amiral narquois et son équipage s’attardent étrangement dans les parages. Thriller paranoïaque expérimental, atmosphérique en diable, où rien n’advient vraiment, mais où tout semble sans cesse au bord du cataclysme, Pacifiction montre une Polynésie française inédite, certes somptueuse et luxuriante, mais surtout inquiétante et ténébreuse, avec ses nuits sous substance et ses cieux violacés — l’esprit de Joseph Conrad est là. Politique-fiction qui métamorphose la catégorie, le film est peuplé de personnages fascinants. Comme cette femme transgenre, ou Mahu selon une tradition locale, devenue la confidente et l’informatrice du héros, et dont le regard semble le percer à jour, à chaque instant. Elle seule paraît détenir la clé de la prison psychique où, insensiblement, il s’est enfermé.
Année : 2022
Avec : Alexandre Melo, Benoît Magimel, Cyrus Arai, Cécile Guilbert, Lluís Serrat, Marc Susini, Matahi Pambrun, Michael Vautor, Mike Landscape, Montse Triola, Pahoa Mahagafanau, Sergi López
Télévision : 8 novembre à 08:15-09:55 sur Canal +
film : comédie dramatique
C'est à la cafétéria des Beaux-Arts de Charleville-Mézières que Mireille exerce son métier de serveuse. Si elle aime tout ce qui touche à la poésie ainsi qu'à la peinture, c'est plutôt dans les petits larcins et le trafic de cartouches de cigarettes qu'elle excelle afin d'arrondir ses fins de mois. Pour pouvoir entretenir l'énorme propriété dont elle a hérité, Mireille se voit contrainte d'accueillir des locataires, ne pouvant pas en assumer seule les coûts. Ils sont au nombre de trois, des hommes, avec chacun son caractère, et vont bouleverser la vie de Mireille. Mais ils vont surtout la préparer à la venue d'un quatrième, son poète... - Critique : Actrice prolifique, réalisatrice discrète (trois fictions en vingt ans), l’ex-Deschiens serait désormais septuagénaire. Il est toutefois permis d’en douter. Avec son visage poupin éclairé de son sourire béat de communiante, Yolande Moreau semble éternellement figée dans l’enfance. La métamorphose physique s’accompagnant le plus souvent d’une attirance pour des personnages immatures ou inadaptés au monde des adultes, qui ne s’épanouissent que dans leur bulle, abandonnés aux puissances de l’imaginaire. Ainsi va Mireille, fiancée à un poète dans une autre vie, et de retour dans ses Ardennes natales, dans la grande maison délabrée de ses parents décédés, au bord de la Meuse. Sa paie de cantinière ne pesant pas bézef, cette drôle de sorcière en robe à fleurs recueille chez elle trois locataires, aimantés par son charme érotico-maternel digne d’un sortilège. Débarquent tour à tour dans le manoir phalanstère un étudiant aux beaux-arts de Charleville (Thomas Guy, prometteur) rapidement surnommé Picasso pour ses talents de copiste, un ouvrier communal heureux de pouvoir enfin s’assumer en travesti (Grégory Gadebois, dans un beau contre-emploi), et un Turc sans papiers qui se fait passer pour un musicien américain afin d’éviter les problèmes – Estéban, toujours génialement lunaire… Plus balèze en plomberie qu’en poésie Trois joyeux faussaires, auxquels il faut ajouter l’amant (Sergi López, sobre) qui a volé les vers d’un autre pour séduire sa Roxane, car il est plus balèze en plomberie qu’en poésie. Sans oublier le curé à foulard et à caniches qui réconcilie avec la religion – William Sheller, acteur né. Faux mariage, fausses identités, faux tableaux et majestueux faux cerf en ciment dans le jardin alimentent un conte où tout le monde s’arrange avec la vérité et la légalité pour résister à la morosité. Peintres, poètes, musiciens, cinéastes, les artistes inventent une utopie, hors du temps et des normes, qui sublime la réalité en l’accordant à leurs désirs. L’important est de ne pas se mentir à soi-même. Yolande Moreau signe ici son meilleur film, d’une grande douceur et d’une grande liberté, y compris formelle, puisqu’elle mélange comédie sociale, réalisme poétique et même un bout de film muet, comme Agnès Varda l’avait fait dans Cléo de 5 à 7. Hommage d’une glaneuse à une autre.
Année : 2023
Avec : Anne Benoit, Aïssatou Diallo Sagna, Bittnerová Jana, Estéban, François Morel, Grégory Gadebois, Philippe Duquesne, Sergi López, Thomas Guy, Tibo Buat, William Sheller, Yolande Moreau
Télévision : 8 novembre à 08:14-09:54 sur Canal +
film : comédie dramatique
C'est à la cafétéria des Beaux-Arts de Charleville-Mézières que Mireille exerce son métier de serveuse. Si elle aime tout ce qui touche à la poésie ainsi qu'à la peinture, c'est plutôt dans les petits larcins et le trafic de cartouches de cigarettes qu'elle excelle afin d'arrondir ses fins de mois. Pour pouvoir entretenir l'énorme propriété dont elle a hérité, Mireille se voit contrainte d'accueillir des locataires, ne pouvant pas en assumer seule les coûts. Ils sont au nombre de trois, des hommes, avec chacun son caractère, et vont bouleverser la vie de Mireille. Mais ils vont surtout la préparer à la venue d'un quatrième, son poète... - Critique : Actrice prolifique, réalisatrice discrète (trois fictions en vingt ans), l’ex-Deschiens serait désormais septuagénaire. Il est toutefois permis d’en douter. Avec son visage poupin éclairé de son sourire béat de communiante, Yolande Moreau semble éternellement figée dans l’enfance. La métamorphose physique s’accompagnant le plus souvent d’une attirance pour des personnages immatures ou inadaptés au monde des adultes, qui ne s’épanouissent que dans leur bulle, abandonnés aux puissances de l’imaginaire. Ainsi va Mireille, fiancée à un poète dans une autre vie, et de retour dans ses Ardennes natales, dans la grande maison délabrée de ses parents décédés, au bord de la Meuse. Sa paie de cantinière ne pesant pas bézef, cette drôle de sorcière en robe à fleurs recueille chez elle trois locataires, aimantés par son charme érotico-maternel digne d’un sortilège. Débarquent tour à tour dans le manoir phalanstère un étudiant aux beaux-arts de Charleville (Thomas Guy, prometteur) rapidement surnommé Picasso pour ses talents de copiste, un ouvrier communal heureux de pouvoir enfin s’assumer en travesti (Grégory Gadebois, dans un beau contre-emploi), et un Turc sans papiers qui se fait passer pour un musicien américain afin d’éviter les problèmes – Estéban, toujours génialement lunaire… Plus balèze en plomberie qu’en poésie Trois joyeux faussaires, auxquels il faut ajouter l’amant (Sergi López, sobre) qui a volé les vers d’un autre pour séduire sa Roxane, car il est plus balèze en plomberie qu’en poésie. Sans oublier le curé à foulard et à caniches qui réconcilie avec la religion – William Sheller, acteur né. Faux mariage, fausses identités, faux tableaux et majestueux faux cerf en ciment dans le jardin alimentent un conte où tout le monde s’arrange avec la vérité et la légalité pour résister à la morosité. Peintres, poètes, musiciens, cinéastes, les artistes inventent une utopie, hors du temps et des normes, qui sublime la réalité en l’accordant à leurs désirs. L’important est de ne pas se mentir à soi-même. Yolande Moreau signe ici son meilleur film, d’une grande douceur et d’une grande liberté, y compris formelle, puisqu’elle mélange comédie sociale, réalisme poétique et même un bout de film muet, comme Agnès Varda l’avait fait dans Cléo de 5 à 7. Hommage d’une glaneuse à une autre.
Année : 2023
Avec : Anne Benoit, Aïssatou Diallo Sagna, Bittnerová Jana, Estéban, François Morel, Grégory Gadebois, Philippe Duquesne, Sergi López, Thomas Guy, Tibo Buat, William Sheller, Yolande Moreau
Netflix : 23 juillet
Depuis le port de Barcelone, Joaquín Manchado dirige son empire de la drogue avec une poigne de fer jusqu'à ce qu'une nouvelle cargaison vienne tout faire déraper.
De : Lluís Quílez
Avec : Eduard Fernández, Chino Darín, Jaime Lorente, Natalia de Molina, Sergi López, Enric Auquer, Daniel Grao